Les chroniques économiques de Bernard Girard

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Chroniques économiques sur l'actualité prononcées chaque mardi matin sur AligreFM, une radio parisienne

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La competitivite c'est aussi le dialogue social

Published: Nov. 27, 2012, 9:30 a.m.
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\\nPatronat\\net syndicats de salari\\xe9s n\\xe9gocient actuellement un renouvellement du contrat\\nsalarial. Que sortira-t-il de leurs discussions ? bien malin qui peut le\\ndire. On sait que le gouvernement, qui vient d\\u2019accorder aux entreprises des\\navantages significatifs sous forme de cr\\xe9dit d\\u2019imp\\xf4ts, exerce une pression\\nforte pour que les organisations patronales trouvent un terrain d\\u2019entente avec\\nles syndicats ouvriers. Les n\\xe9gociations promettent d\\u2019\\xeatre difficiles et on ne\\npeut exclure une intervention de l\\u2019Etat qui, faute d\\u2019accord des partenaires\\nsociaux, l\\xe9gif\\xe8re, au grand dam, d\\u2019ailleurs, des patrons eux-m\\xeames qui seront\\nles premiers \\xe0 se plaindre de ce que les d\\xe9put\\xe9s et s\\xe9nateurs auront multipli\\xe9\\nles amendements qui leur d\\xe9plaisent.
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\\nCette\\nsituation n\\u2019est pas nouvelle. On pourrait m\\xeame dire qu\\u2019ele est end\\xe9mique et\\nqu\\u2019elle explique, d\\u2019une certaine mani\\xe8re, la prolif\\xe9ration de notre droit\\nsocial et de toutes ces r\\xe9glementations dont les employeurs se plaignent si\\nfr\\xe9quemment. Pour dire les choses simplement, l\\u2019hypertrophie de notre droit\\nsocial est, pour beaucoup, le fruit de la faiblesse du dialogue social dans\\nnotre pays. Plut\\xf4t que de s\\u2019en plaindre, les organisations patronales devraient\\ns\\u2019interroger sur les causes de ce d\\xe9ficit, mais cela leur est naturellement\\ndifficile alors m\\xeame que beaucoup de leurs membres ont d\\xe9velopp\\xe9 une v\\xe9ritable\\nphobie des syndicats.
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\\nLe cas du salaire minimum
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\\nLe cas du salaire minimum est exemplaire de la mani\\xe8re dont\\nle d\\xe9ficit de dialogue social favorise l\\u2019effervescence r\\xe9glementaire. Dans un\\narticle publi\\xe9 il y a quelques mois, Philippe Aghion, un \\xe9conomiste qui\\nenseigne \\xe0 Harvard et a conseill\\xe9 S\\xe9gol\\xe8ne Royal et Fran\\xe7ois Hollande, a montr\\xe9\\nque les pays dans lesquels les relations sociales sont vivantes, ceux dans\\nlesquels les organisations syndicales sont puissantes et en mesure de n\\xe9gocier,\\nsont aussi ceux dans lesquels les l\\xe9gislations sur le salaire minimum sont le\\nplus rares (Can policy interact with\\nculture ? Minimum wage and the quality of labor relations). Il y a,\\npour dire les choses de mani\\xe8re plus savante, une forte corr\\xe9lation n\\xe9gative\\nentre les effectifs des organisations syndicales et les lois sur le salaire\\nminimum. Les pays nordiques qui ont des syndicats puissants font sans. A\\nl\\u2019inverse, la France ou la Gr\\xe8ce, deux pays dans lesquels les syndicats sont\\ntr\\xe8s faibles ont une l\\xe9gislation rigoureuse sur le sujet.
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\\nOn comprend bien pourquoi : l\\xe0 o\\xf9 les syndicats ne\\npeuvent rien obtenir par la n\\xe9gociation parce que trop faibles, l\\u2019Etat se\\nsubstitue \\xe0 eux. Mais, et c\\u2019est ce qui se produit en France depuis des\\nd\\xe9cennies, plus l\\u2019Etat intervient, plus les syndicats s\\u2019en trouvent\\naffaiblis : pourquoi se syndiquer si l\\u2019Etat intervient, si l\\u2019on peut\\nobtenir le m\\xeame r\\xe9sultat en votant une fois tous les quatre ou cinq ans ?\\nl\\u2019intervention de l\\u2019Etat pour compenser la faiblesse syndicale ne fait que\\nl\\u2019aggraver.
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\\nCette situation se complique de ce que plus les syndicats\\nsont faibles plus leurs membres, leurs militants se sp\\xe9cialisent dans la\\ngestion des organismes paritaires au d\\xe9pens de l\\u2019action sur le terrain aupr\\xe8s\\ndes salari\\xe9s. Ce qui conduit, dans le cas fran\\xe7ais, \\xe0 une sorte de blocage de\\nnos institutions dont on vient d\\u2019avoir une belle illustration.
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\\nOn le sait, le gouvernement a choisi de r\\xe9duire de mani\\xe8re\\nsignificative le co\\xfbt du travail. S\\u2019il l\\u2019a fait en choisissant un cr\\xe9dit\\nd\\u2019imp\\xf4t plut\\xf4t que le transfert des cotisations patronales vers la CSG ou la\\nTVA, c\\u2019est que cela aurait conduit \\xe0 un casus belli avec les organisations\\nsyndicales qui risquaient de perdre une multitude de postes dans les organismes\\ngestionnaires, comme, par exemple, les caisses d\\u2019allocations familiales. Rien\\nn\\u2019aurait justifi\\xe9, une fois qu\\u2019elles auraient \\xe9t\\xe9 financ\\xe9es par l\\u2019imp\\xf4t que\\nsi\\xe8gent \\xe0 leur conseil d\\u2019administration des repr\\xe9sentants des organisations\\nsyndicales ouvri\\xe8res et patronales. Ce sont 1632 administrateurs, 16 par\\ncaisses et il y en a 102 caisses, qui auraient pu \\xe0 terme perdre leur poste. On\\ncomprend que le gouvernement se soit m\\xe9fi\\xe9.
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\\nOn a l\\xe0, donc, une machine infernale. La faiblesse syndicale\\nse nourrit d\\u2019elle-m\\xeame pour le plus grand tort des salari\\xe9s mais aussi de\\nl\\u2019\\xe9conomie, de sa comp\\xe9titivit\\xe9. Oui, de la comp\\xe9titivit\\xe9, car l\\u2019on a d\\xe9couvert\\nque les syndicats n\\u2019\\xe9taient pas, comme le croient trop volontiers les lib\\xe9raux\\net les organisations patronales, un frein \\xe0 la productivit\\xe9. Bien au contraire,\\nde bonnes relations sociales l\\u2019am\\xe9liorent. C\\u2019est ce qui ressort en tout cas des\\ntravaux r\\xe9cents de Gilbert Cette, sur des donn\\xe9es fran\\xe7aises, et de quelques\\nautres sur des donn\\xe9es am\\xe9ricaines et allemandes (Labour\\nrelations quality and productivity: an empirical analysis on french firms.)
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\\nDes syndicats puissants am\\xe9liorent la qualit\\xe9 de\\nl\\u2019information des entreprises
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\\nIl ne s\\u2019agit \\xe9videmment pas d\\u2019\\xeatre na\\xeff et de penser qu\\u2019il\\nsuffirait de syndicats puissants pour am\\xe9liorer la comp\\xe9titivit\\xe9 d\\u2019une\\nindustrie. On a, bien \\xe9videmment, de nombreux exemples du contraire. Mais\\nvoyons ce qui se passe lorsqu\\u2019un syndicat s\\u2019\\xe9tiole dans une entreprise. D\\u2019un\\ncot\\xe9, et ce peut \\xeatre le bon cot\\xe9 pour les employeurs, les conflits sociaux\\ns\\u2019espacent, les jours d\\u2019arr\\xeat pour faits de gr\\xe8ve diminuent, les r\\xe9unions du\\ncomit\\xe9 d\\u2019entreprise se passent mieux, les tensions apparentes disparaissent.\\nMais de l\\u2019autre, l\\u2019entreprise perd une source d\\u2019information importante sur les\\nprobl\\xe8mes qui peuvent surgir en son sein. Les syndicats, lorsqu\\u2019ils sont\\npuissants, lorsqu\\u2019ils ont des contacts r\\xe9guliers avec les directions font\\ncirculer des informations qui sont autrement bloqu\\xe9es par la structure\\nhi\\xe9rarchique.
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\\nTout cela peut para\\xeetre th\\xe9orique, mais ne l\\u2019est pas. Je\\nprendrai un exemple banal mais que j\\u2019ai v\\xe9cu dans un \\xe9tablissement du groupe\\nAlcatel il y a quelques ann\\xe9es. C\\u2019\\xe9tait une usine dans la r\\xe9gion parisienne\\nconstruite \\xe0 l\\u2019ancienne avec une toiture en shed, en dents de scie avec de\\ngrandes surfaces vitr\\xe9es. L\\u2019une de celles-ci \\xe9tait cass\\xe9e. En hiver, les\\nouvriers qui travaillaient en dessous avaient froid, recevaient de la pluie\\nlorsqu\\u2019il en tombait, refusaient donc d\\u2019occuper les postes expos\\xe9s, d\\u2019o\\xf9 des\\nconflits quotidiens avec les chefs d\\u2019\\xe9quipe. Le contrema\\xeetre de l\\u2019atelier le\\nsavait et protestait r\\xe9guli\\xe8rement, mais il \\xe9tait incapable de se faire\\nentendre de la direction de l\\u2019usine, le responsable de l\\u2019entretien qui avait un\\nbudget \\xe9triqu\\xe9 avait toujours affaire plus importante \\xe0 traiter. Lorsque les\\nouvriers se sont plaints au syndicat, celui-ci a imm\\xe9diatement fait remonter\\ncette affaire au sommet en indiquant que si rien n\\u2019\\xe9tait fait l\\u2019atelier se\\nmettrait en gr\\xe8ve. Dans les jours qui ont suivi la d\\xe9cision a \\xe9t\\xe9 prise de\\nr\\xe9parer le toit d\\xe9faillant. Les tensions dans l\\u2019atelier ont disparu et sa\\nproduction s\\u2019est am\\xe9lior\\xe9e.
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\\nCe n\\u2019est qu\\u2019un exemple mais on pourrait en trouver mille\\ndans le quotidien des entreprises.
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\\nAutre dimension souvent n\\xe9glig\\xe9e de l\\u2019action syndicale\\n: la gestion des tensions et des conflits. Est-ce parce qu\\u2019on en entend surtout\\nparler \\xe0 l\\u2019occasion de conflits graves qui conduisent \\xe0 la gr\\xe8ve, on a en\\ng\\xe9n\\xe9ral le sentiment que les syndicats mettent syst\\xe9matiquement de l\\u2019huile sur\\nle feu. Leur r\\xf4le est en r\\xe9alit\\xe9 bien plus subtil. Ils arbitrent entre tous les\\nmotifs de m\\xe9contentement qui remontent jusqu\\u2019\\xe0 eux. Ils font le tri dans les\\nconflits et ceci, en fonction des rapports de force avec la direction. Ils font\\navancer les dossiers qui leur paraissent suscceptibles d\\u2019aboutir ou de\\nrecueillir un fort assentiment des salari\\xe9s. Ils calment le jeu pour tout le\\nreste.
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\\nPuissants, ils mettent en avant les conflits qui concernent\\nun grand nombre de personne, qui leur permettent de mobiliser beaucoup de\\nsalari\\xe9s pour atteindre un objectif gr\\xe2ce \\xe0 l\\u2019action au sein de l\\u2019entreprise,\\ntracts, prises de parole, manifestation, arr\\xeats de travail\\u2026 Lorsqu\\u2019ils sont\\nfaibles et qu\\u2019ils n\\u2019arrivent pas \\xe0 mobiliser sur des probl\\xe8mes collectifs,\\ncomme cette vitre bris\\xe9e dont je parlasi \\xe0 l\\u2019instant, ils mettent l\\u2019accent sur\\nles conflits individuels qui se traitent \\xe0 l\\u2019ext\\xe9rieur de l\\u2019entreprise, devant\\nle juge. La mont\\xe9e en puissance des affaires li\\xe9es au harc\\xe8lement moral est\\ndirectement corr\\xe9l\\xe9e \\xe0 la faiblesse de l\\u2019action syndicale. C\\u2019en est un\\nsubtitut. Moins les syndicats peuvent agir au sein m\\xeame de l\\u2019entreprise avec\\nles moyens traditionnels de la lutte ouvri\\xe8re, plus ils s\\u2019adressent \\xe0 la\\njustice.
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\\nOr, ce n\\u2019est une bonne chose pour personne. Ce n\\u2019en est pas\\nune pour la victime qui se retrouve isol\\xe9e dans son combat et souvent rejet\\xe9e\\npar ses coll\\xe8gues. Le plus douloureux dans les cas de harc\\xe8lement, c\\u2019est\\nsouvent l\\u2019indiff\\xe9rence ou l\\u2019hostilit\\xe9 des coll\\xe8gues, or ceux-ci sont tr\\xe8s\\nprompts \\xe0 trouver que la victime exag\\xe8re, qu\\u2019elle en fait trop. Ce n\\u2019en est pas\\nune non plus pour celui que l\\u2019on accuse, \\xe0 tort ou \\xe0 raison, de\\nharc\\xe8lement : bien loin de l\\u2019image d\\u2019Epinal de l\\u2019employeur occup\\xe9 \\xe0\\nd\\xe9fendre becs et ongles les cadres accus\\xe9s, la r\\xe9alit\\xe9 est qu\\u2019ils sont, le plus\\nsouvent, \\xe0 leur tour ostracis\\xe9s, condamn\\xe9s par leurs pairs et mal vus de leur\\ndirection qui se serait pass\\xe9e de ce genre d\\u2019affaire. Il faut avoir vu un cadre\\naccus\\xe9 de harc\\xe8lement pour comprendre combien cela peut \\xeatre douloureux, m\\xeame\\ns\\u2019il est effectivement coupable.
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\\nJ\\u2019ajouterai enfin que si les faits qui ont conduit \\xe0 cette\\naccusation de harc\\xe8lement sont li\\xe9s \\xe0 la structure, \\xe0 l\\u2019organisation de\\nl\\u2019entreprise, \\xe0 sa culture, \\xe0 la charge de travail\\u2026 ce ne peut pas \\xeatre trait\\xe9\\nau tribunal qui ne juge que des cas singuliers.
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\\nLa qualit\\xe9 des relations sociales am\\xe9liore les performances
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\\nDes organisations syndicales puissantes, qui r\\xe9unissent de\\nnombreux salari\\xe9s, sont donc utiles dans plusieurs cas de figure :
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  • elles \\xe9vitent d\\u2019abord, l\\u2019intervention de l\\u2019Etat,\\nce qui peut \\xeatre une bonne chose si cela permet de trouver des solutions mieux\\nadapt\\xe9es. L\\xe0 o\\xf9 le salaire minimum est non pas impos\\xe9 par la loi mais n\\xe9goci\\xe9\\navec les organisations syndicales il varie selon les secteurs et selon les\\nr\\xe9gions. Ce qui n\\u2019est pas illogique. Le pouvoir d\\u2019achat d\\u2019un salaire n\\u2019est pas\\nle m\\xeame dans une grande ville et dans une zone rurale, les contraintes de la\\ndistribution ne sont pas celles du b\\xe2timent ou de la m\\xe9tallurgie, 
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  • elles permettent ensuite d\\u2019anticiper les\\nprobl\\xe8mes. Lorsqu\\u2019une entreprise va mal, des organisations syndicales bien\\ninform\\xe9es le savent et peuvent inciter les directions \\xe0 prendre des mesures qui\\n\\xe9vitent que les difficult\\xe9s se traduisent par des lienciements. On parle\\nbeaucoup de l\\u2019efficacit\\xe9 du temps partiel pour r\\xe9sister aux difficult\\xe9s en\\nAllemagne. Mais il n\\u2019a \\xe9t\\xe9 efficace que parce qu\\u2019il a \\xe9t\\xe9 tr\\xe8s t\\xf4t n\\xe9goci\\xe9 avec\\nles partenaires sociaux  
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  • elles am\\xe9liorent, enfin, la qualit\\xe9 des\\nd\\xe9cisions puisqu\\u2019elles permettent d\\u2019int\\xe9grer dans la r\\xe9flexion des donn\\xe9es qui\\nautrement \\xe9chappent aux directions.
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\\nMais il ne suffit pas que les organisations syndicales\\nsoient puissantes, il faut encore qu\\u2019elles soient \\xe9cout\\xe9es et convaincues de la\\npertinence des d\\xe9cisions prises par le management. Ce qui suppose des\\ninstitutions ad\\xe9quates. On parle souvent de la pr\\xe9sence de repr\\xe9sentants\\nsyndicaux dans les conseils d\\u2019administration des entreprises allemandes. C\\u2019est\\neffectivement une bonne solution en ce qu\\u2019elle permet de nourrir en permanence\\nla n\\xe9gociation sociale, de faire circuler l\\u2019information de bas en haut et de\\nhaut en bas. En ce qu\\u2019elle permet \\xe9galement aux directions de faire valoir leur\\npoint de vue, de l\\u2019argumenter et non plus seulement de l\\u2019imposer comme si elles\\navaient la science infuse et toujours raison. Un des facteurs qui expliquent le\\nd\\xe9senchantement de beaucoup de salari\\xe9s, d\\xe9senchantement que les enqu\\xeates\\nmen\\xe9es au sein des entreprises r\\xe9v\\xe8lent r\\xe9guli\\xe8rement vient de ce que les\\nd\\xe9cisions qui tombent du ciel leur paraissent souvent contradictoires,\\nincompr\\xe9hensibles. \\xab On ne sait o\\xf9 l\\u2019on va \\xbb est l\\u2019une des\\nexpressions les plus souvent entendues dans les entreprises. Et pour\\ncause : les directions se contentent d\\u2019imposer leurs vues sans chercher \\xe0\\njustifier les changements de cap, de strat\\xe9gie, d\\u2019orientation. C\\u2019est comme cela\\net pas autrement. Inutile de dire que cette libert\\xe9 qui leur est laiss\\xe9e d\\u2019agir\\ncomme ils l\\u2019entendent n\\u2019est pas toujours du meilleur effet. L\\xe0 o\\xf9 ils\\nexistent, les contr\\xf4les, ceux du conseil d\\u2019administration d\\u2019un cot\\xe9, ceux des\\norganisations syndicales de l\\u2019autre contribuent \\xe0 l\\u2019am\\xe9lioration de la qualit\\xe9\\ndes d\\xe9cisions.
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\\nPourquoi si peu de syndicalistes en France ?
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\\nOn peut imaginer que dans les mois qui viennent le\\ngouvernement ou le Parlement vont proposer des mesures allant dans ce sens.\\nReste \\xe0 savoir si elles permettront d\\u2019enrayer la chute des effectifs syndicaux\\net d\\u2019am\\xe9liorer le dialogue social.
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\\nModifier les institutions qui organisent le dialogue social\\npeut aider \\xe0 atteindre ces objectifs, mais est-ce que ce serait\\nsuffisant ? pour que le dialogue social reprenne tournure, il faudrait agir\\nsur les causes profondes de l\\u2019affaissement des organisations syndicales. Elles\\nsont multiples.
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\\nIl y a, ces dispositifs institutionnels qui entretiennent\\ndepuis des d\\xe9cennies la division syndicale, freinent voire interdisent\\nl\\u2019\\xe9mergence de nouveaux acteurs et favorisent la concentration des forces\\nsyndicales dans le secteur public, mais cela tient aussi \\xe0 des ph\\xe9nom\\xe8nes plus\\nlourds sur lesquels il est plus difficile d\\u2019agir. J\\u2019ai d\\xe9j\\xe0 dit un mot du r\\xf4le\\nde l\\u2019Etat qui en jouant de la loi faute d\\u2019accords n\\xe9goci\\xe9s entre partenaires\\nsociaux, g\\xeane le d\\xe9veloppement des organsiations syndicales. Mais il n\\u2019y a pas\\nque cela. 
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\\nIl y a l\\u2019\\xe9volution de l\\u2019\\xe9conomie fran\\xe7aise. Les secteurs\\nfortement syndicalis\\xe9s dans l\\u2019industrie ont disparu. Les syndicats n\\u2019ont pas su\\ns\\u2019imposer dans les secteurs nouveaux, la grande disribution, la restauration\\nrapide, l\\u2019int\\xe9rim\\u2026 cela tient \\xe9videmment aux contrats de travail privil\\xe9gi\\xe9s dans\\nces \\xe9tablissements mais aussi, peut-\\xeatre, au manque d\\u2019imagination des\\norganisations syndicales qui, plut\\xf4t que de chercher des solutions nouvelles\\nont pr\\xe9f\\xe9r\\xe9 concentrer leurs efforts sur le secteur public.
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\\nIl y a, aussi, la structure de l\\u2019\\xe9conomie fran\\xe7aise, son\\ncot\\xe9 dual, avec d\\u2019un cot\\xe9 quelques tr\\xe8s grandes entreprises internationales et\\nde l\\u2019autre beaucoup de petites entreprises. La pr\\xe9sence d\\u2019organisations\\nsyndicales dans les grandes entreprises ne pose gu\\xe8re de probl\\xe8me. Elles ont\\nles moyens d\\u2019employer des sp\\xe9cialistes en ressources humaines, rompus aux\\ntechniques du dialogue social, qui savent n\\xe9gocier. M\\xeame si leurs directions\\nn\\u2019appr\\xe9cient gu\\xe8re les syndicats, il leur est difficile de leur interdire\\nd\\u2019agir et de travailler. Il en va tout autrement dans les entreprises plus\\npetites. La n\\xe9gociation sociale est une charge suppl\\xe9mentaire pour les chefs d\\u2019entreprise\\nqui peuvent difficilement la d\\xe9l\\xe9guer \\xe0 des collaborateurs qui ne sont pas\\nmieux form\\xe9s qu\\u2019eux \\xe0 cet exercice. Et ce qui vaut pour les chefs d\\u2019entreprise\\nvaut \\xe9galement pour les salari\\xe9s : m\\xeame avec la meilleure volont\\xe9 du monde\\non ne s\\u2019improvise pas leader syndical ou n\\xe9gociateur. Cela demande des\\ncomp\\xe9tences, notamment en mati\\xe8re de droit du travail, qui manquent \\xe0 la\\nplupart.
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\\nLa proximit\\xe9 avec les salari\\xe9s rend, par ailleurs, beaucoup\\nplus probl\\xe9matique tout conflit un peu tendu. M\\xeame prot\\xe9g\\xe9, le salari\\xe9 peut\\ncraindre des r\\xe9torsions et l\\u2019employeur s\\u2019offusquer de ce que ses d\\xe9cisions sont\\nmises en cause. Si le syndicalisme est si faible en France, c\\u2019est que beaucoup\\nde patrons, surtout dans les PME qui repr\\xe9sentent l\\u2019essentiel de l\\u2019emploi, s\\u2019y\\nopposent avec la plus grande vigueur. Ils sont patrons chez eux et veulent le\\nrester et n\\u2019acceptent pas de partager si peu que ce soit leur pouvoir.
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\\nLa comp\\xe9titivit\\xe9 est aussi affaire de dialogue social
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\\nOn l\\u2019a compris, la comp\\xe9titivit\\xe9 ne saurait se limiter \\xe0 une\\naction sur le co\\xfbt du travail. C\\u2019est aussi l\\u2019affaire de l\\u2019innovation et, plus\\ninattendu, peut-\\xeatre, de la qualit\\xe9 du dialogue social. L\\xe0-dessus les\\nentreprises fran\\xe7aises ont de gros progr\\xe8s \\xe0 r\\xe9aliser et les pouvoirs publics\\nde gros efforts \\xe0 faire en mati\\xe8re d\\u2019imagination pour trouver le moyen de\\ncontourner ces obstacles que sont l\\u2019environnement institutionnel et la\\nstructure de l\\u2019\\xe9conomie fran\\xe7aise. Cela ne se fera sans doute pas d\\u2019un seul\\ncoup de baguette magique. La Pr\\xe9sidence Sarkozy avait pris quelques mesures\\nallant dans la bonne direction avec notamment la loi Larcher de 2007 qui impose\\nune concertation pr\\xe9alable, voire une n\\xe9gociation, avant tout projet de loi\\nsocial, avant de revenir en arri\\xe8re. La Pr\\xe9sidence Hollande devrait poursuivre\\ndans cette direction.
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Listed in: talk

Gallois : un rapport decevant

Published: Nov. 11, 2012, 8:38 a.m.
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\\nLe\\nrapport Gallois est sorti. Le gouvernement a surpris en reprenant la plupart de\\nses pr\\xe9conisations. Ce qu\\u2019il a fait au risque d\\u2019aller un peu vite parce que ce\\nrapport n\\u2019est pas aussi important qu\\u2019on l\\u2019a dit. Pour l\\u2019avoir lu, je dirai\\nqu\\u2019il est plut\\xf4t d\\xe9cevant et que les analyses qu\\u2019il fait de la situation sont\\nmarqu\\xe9es par un extr\\xeame conformisme, on a l\\u2019impression de les avoir lues mille\\nfois, et, ce qui est peut-\\xeatre plus g\\xeanant, par ce que je qualifierai d\\u2019absence\\nde curiosit\\xe9. Tout cela peut s\\u2019expliquer par la rapidit\\xe9 avec laquelle ses auteurs ont du\\ntravailler, mais tout de m\\xeame.
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\\nDans\\nune libre-opinion publi\\xe9e il y a quelques jours dans Lib\\xe9ration, Philippe\\nAskenazy disait qu\\u2019on croyait \\xab lire un discours de Raymond Barre \\xe0 la fin\\ndes ann\\xe9es 70. \\xbb Il y a effectivement un peu de cela dans ce texte\\nconvenu. Mais il y a surtout un d\\xe9faut d\\u2019analyse de la situation qui am\\xe8ne \\xe0\\ns\\u2019interroger sur la pertinence des solutions propos\\xe9es.
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\\nLe\\nrapport commence de mani\\xe8re classique par le d\\xe9crochage dans la comp\\xe9tition\\ninternationale de notre \\xe9conomie :
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\\nTous les indicateurs le confirment : la comp\\xe9titivit\\xe9 de\\nl\\u2019industrie fran\\xe7aise r\\xe9gresse depuis10 ans et le mouvement semble s\\u2019acc\\xe9l\\xe9rer.\\nLa diminution du poids de l\\u2019industrie dans le PIB fran\\xe7ais est plus rapide que\\ndans presque tous les autres pays europ\\xe9ens ; le d\\xe9ficit croissant du commerce\\next\\xe9rieur marque nos difficult\\xe9s \\xe0 la fois vis-\\xe0-vis des meilleures industries\\neurop\\xe9ennes et face \\xe0 la mont\\xe9e des \\xe9mergents.
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\\nSoit, mais pourquoi ?
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\\nDix ans de droite ?
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\\nIl y a dans ces premi\\xe8res lignes du rapport trois\\nmots qui auraient du inciter \\xe0 Gallois et ses coll\\xe8gues \\xe0 approfondir ce diagnostic : \\xab depuis\\n10 ans \\xbb, depuis, en somme, que la droite est au pouvoir. Est-ce que ce\\nsont les mesures prises par les gouvernements de Jacques Chirac et Nicolas\\nSarkozy qui sont en cause ? Et si oui, lesquelles ? Est-ce, a\\ncontrario, l\\u2019absence de mesures ? Mais alors pourquoi n\\u2019ont-elles pas \\xe9t\\xe9\\nprises ? qu\\u2019est-ce qui s\\u2019y opposait ? quels \\xe9taient les blocages que\\nleurs successeurs pourraient aussi rencontrer ? Et si les d\\xe9cisions prises\\npar ces gouvernements ne sont pas en cause, faut-il remonter plus loin, plus\\nhaut ? On pense naturellement aux 35 heures tant rebattues. Et si\\ncelles-ci n\\u2019y sont pour rien comme il est probable, faut-il chercher\\nailleurs ?
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\\nLes hypoth\\xe8ses ne manquent pas. Je voudrais en signaler deux\\nqu\\u2019on \\xe9voque rarement : la dualit\\xe9 de l\\u2019\\xe9conomie fran\\xe7aise et sa\\nr\\xe9partition g\\xe9ographique.
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\\nOn souligne souvent que la France manque de ces soci\\xe9t\\xe9s de\\ntaille interm\\xe9diaire, de ces grosses PME qui font le succ\\xe8s de l\\u2019Allemagne,\\nmais c\\u2019est  que nous avons, d\\u2019un cot\\xe9,\\nbeaucoup de tr\\xe8s grosses entreprises de taille internationale, et de l\\u2019autre,\\nune multitude de petites entreprises qui ne r\\xe9ussissent pas \\xe0 se d\\xe9velopper. Et\\nlorsque l\\u2019on parle de comp\\xe9titivit\\xe9, il faudrait se demander si elle a recul\\xe9\\npartout \\xe9galement. Danone, Michelin, Areva, EADS, pour ne citer que ces\\nquelques noms de grandes entreprises, ont-ils perdu en comp\\xe9titive ? Cela\\nne se lit pas ni leurs r\\xe9sultats ni dans leurs positions dans les grands\\nclassements internationaux. Ce qui am\\xe8ne \\xe0 se poser une question : si ces\\nentreprises n\\u2019ont rien perdu de leur comp\\xe9titivit\\xe9, la d\\xe9gradation massive de\\nnotre commerce ext\\xe9rieur ces deux derni\\xe8res ann\\xe9es ne vient-elle pas de ce\\nqu\\u2019elles exportent moins depuis la France et plus depuis leurs usines\\ninstall\\xe9es ailleurs dans le monde ? Ce qui pourrait relever de la marche\\nnormale des affaires.
\\n
\\nPrenons, pour \\xeatre plus pr\\xe9cis, le cas d\\u2019une entreprise qui\\nexportait il y a dix ans en Asie. Ses ventes dans cette partie du monde ont\\nfortement augment\\xe9, ont tant augment\\xe9 qu\\u2019elle d\\xe9cide d\\u2019y construire une usine.\\nSes exportations vers cette r\\xe9gion dispara\\xeetront puisqu\\u2019elles se feront depuis\\nla Chine, la Tha\\xeflande ou la Malaisie. Les chiffres de notre commerce ext\\xe9rieur\\ns\\u2019en ressentiront naturellement, mais on ne peut pas dire qu\\u2019elle ait perdu en\\ncomp\\xe9titivit\\xe9.
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\\nMesurer des effets de ce type aurait sans doute \\xe9vit\\xe9 cette\\nconfusion entre perte de comp\\xe9titivit\\xe9 et d\\xe9gradation du commerce ext\\xe9rieur. Ce\\nsont deux ph\\xe9nom\\xe8nes diff\\xe9rents, m\\xeame s\\u2019il est vrai que beaucoup d\\u2019entreprises\\nvendent moins \\xe0 l\\u2019\\xe9tranger parce qu\\u2019elles sont moins comp\\xe9titives que leurs\\nconcurrentes \\xe9trang\\xe8res.
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\\nDeuxi\\xe8me ph\\xe9nom\\xe8ne qu\\u2019il aurait \\xe9t\\xe9 int\\xe9ressant\\nd\\u2019\\xe9tudier : la r\\xe9partition g\\xe9ographique de l\\u2019industrie en France et son\\nr\\xf4le dans nos difficult\\xe9s.
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\\nIl n\\u2019est pas rare lorsque l\\u2019actualit\\xe9 met en \\xe9vidence une\\nentreprise en grande difficult\\xe9 de d\\xe9couvrir qu\\u2019elle est install\\xe9e dans des\\nvilles dont on entend \\xe0 peu pr\\xe8s jamais parler. Ce n\\u2019est pas un hasard.\\nL\\u2019industrie fran\\xe7aise s\\u2019est, depuis les ann\\xe9es soixante, \\xe9parpill\\xe9e sur tout le\\nterritoire. Les villes, un peu partout, ont voulu leur industrie, on offert aux\\nindustriels qui venaient s\\u2019installer chez elles des conditions avantageuses.\\nCela a cr\\xe9\\xe9 des emplois et contribu\\xe9 \\xe0 la modernisation de la France dans ses\\nprofondeurs, mais cela a aussi isol\\xe9 les entreprises, rendu plus difficile leur\\ncroissance. Difficile de trouver dans ces petites villes les services dont les\\nentreprises ont besoin, difficile \\xe9galement de trouver les comp\\xe9tences qui leur\\npermettraient de se d\\xe9velopper. Thouars, pour ne prendre que l\\u2019exemple de cette\\npetite ville des Deux-S\\xe8vres, a deux entreprises de plus de 250 personnes, Loeul\\net Piriot, un sp\\xe9cialiste de la viande de lapin, et la CEE, un sp\\xe9cialiste des\\nsacs papier. Deux belles PME qui ont ou pourraient avoir des perspectives de\\ncroissance. Mais pour cela il leur faudrait des comp\\xe9tences qu\\u2019elles ne peuvent\\npas trouver sur place. Recruter un ing\\xe9nieur pour am\\xe9liorer le process\\nindustriel ? ce sera difficile. Des techniciens, des sp\\xe9cialistes\\nmarketing, des professionnels de la vente ? pareil. Lorsque l\\u2019on dit que\\nles entreprises ont du mal \\xe0 recruter malgr\\xe9 le ch\\xf4mage, lorsque l\\u2019on ajoute\\nqu\\u2019elles ne se d\\xe9veloppent pas autant qu\\u2019elles pourraient, on oublie cette\\ndimension. Quel ing\\xe9nieur de qualit\\xe9 ira s\\u2019enterrer dans cette petite ville qui\\nn\\u2019est pas sans charme mais qui n\\u2019offre \\xe0 son \\xe9pouse que peu de chance de\\ntrouver un emploi, qui n\\u2019a pas de maternit\\xe9 et dont les \\xe9tablissements\\nscolaires ne pr\\xe9parent pas aux \\xe9tudes sup\\xe9rieures qu\\u2019il peut souhaiter pour ses\\nenfants. La disparition des services publics, leur d\\xe9gradation contribue \\xe0 la\\ndiminution de la comp\\xe9titivit\\xe9 de beaucoup d\\u2019entreprises install\\xe9es loin des\\ngrands centres urbains.
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\\n
\\nIl ne suffit pas, comme fait le rapport, de regretter que les jeunes ing\\xe9nieurs ne\\nchoisissent plus l\\u2019industrie, il faut aussi se demander pourquoi tant\\nd\\u2019entreprises n\\u2019arrivent pas \\xe0 recruter des professionnels.
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\\nLa comp\\xe9titivit\\xe9 hors co\\xfbt
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\\nCette r\\xe9flexion sur la g\\xe9ographie aurait amen\\xe9 les\\nr\\xe9dacteurs de ce rapport \\xe0 approfondir ce qui est son autre grande\\nfaiblesse : l\\u2019analyse de ce manque de comp\\xe9titivit\\xe9. Ils\\ndistinguent bien la comp\\xe9titive par les prix et celle par la qualit\\xe9. Mais ils\\nne vont pas au del\\xe0. Prenons la comp\\xe9titivit\\xe9 par les prix. On a beaucoup parl\\xe9\\ndu co\\xfbt du travail, mais il n\\u2019en qu\\u2019une des composantes. L\\u2019autre est la\\ntechnologie, la qualit\\xe9 des processus de production. Si l\\u2019\\xe9conomie am\\xe9ricaine\\nest sortie de sa longue l\\xe9thargie, c\\u2019est gr\\xe2ce \\xe0 l\\u2019injection massive de\\ntechnologie, d\\u2019informatique, d\\u2019\\xe9lectronique\\u2026 dans ses processus de production.
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\\nLe manque de comp\\xe9titivit\\xe9 des PME fran\\xe7aises vient de ce\\nqu\\u2019elles n\\u2019ont pas su profiter autant que leurs concurrents en Allemagne ou\\nailleurs, de ces technologies qui permettent de r\\xe9duire les co\\xfbts. Les auteurs\\nle signalent, ils donnent m\\xeame des chiffres : 34 500 robots industriels,\\navec une moyenne d\\u2019\\xe2ge \\xe9lev\\xe9e, sont en service en France, contre 62 000 en\\nItalie et 150 000 en Allemagne. Mais ils ne vont pas au del\\xe0. Pourquoi les\\nentreprises fran\\xe7aises sont-elles si peu \\xe9quip\\xe9es ?
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\\nEst-ce parce qu\\u2019elles sont trop petites ? parce\\nqu\\u2019elles n\\u2019en ont pas les moyens ? parce qu\\u2019elles manquent des comp\\xe9tences\\nn\\xe9cessaires pour investir dans des technologies qui demandent des savoir-faire\\npointus, rares, qu\\u2019on ne trouve \\xe9videmment dans aucune de ces petites villes\\ndans lesquelles sont install\\xe9es tant d\\u2019entreprises. 
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\\nOn aurait aim\\xe9 qu\\u2019ils mettent l\\u2019accent sur ce ph\\xe9nom\\xe8ne,\\nqu\\u2019ils s\\u2019interrogent et se demandent comment amener ces PME \\xe0 s\\u2019\\xe9quiper de\\nmat\\xe9riels plus modernes. Mais non rien. Alors m\\xeame que se poser ces questions, c\\u2019est presque\\ny r\\xe9pondre.
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\\nS\\u2019\\xe9quiper de ces technologies, de ces robots demande des\\nmoyens financiers. Ces PME les trouveront peut-\\xeatre demain aupr\\xe8s de la banque\\npublique d\\u2019investissement. Cela suppose aussi des comp\\xe9tences, et \\xe0 d\\xe9faut de\\npouvoir les recruter directement, pour les raisons qu\\u2019on a vues, des services\\nqui les apportent aux entreprises.
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\\nIls auraient pu insister sur la modernisation des centres\\ntechniques, des instituts Carnot, de ces institutions qui ont pour vocation\\nd\\u2019aider les entreprises \\xe0 acc\\xe9der \\xe0 ces technologies nouvelles mais qui ne le\\nfont manifestement pas de mani\\xe8re suffisante. Ils auraient pu proposer la\\nr\\xe9organisation de ces r\\xe9seaux, des financements, le d\\xe9veloppement de m\\xe9canismes\\nqui favorisent le partage des inventions et permettent surtout \\xe0 ces organismes\\nde mettre \\xe0 disposition des entreprises petites et moyennes des ressources,\\ncomp\\xe9tences, bases de donn\\xe9es, contacts\\u2026 qui les aident \\xe0 moderniser leurs\\nproduits ou leurs processus de production. Qui mettent, pour ne prendre que cet\\nexemple, les dirigeants d\\u2019une petite entreprise un peu perdue dans une petite\\nville en contact avec des gens au fait des derni\\xe8res technologies.
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\\nDes r\\xe9flexions de ce type les auraient sans doute amen\\xe9s \\xe0 s\\u2019interroger\\nsur la possibilit\\xe9 de cr\\xe9er ce que l\\u2019\\xe9conomiste Marshall appelait au d\\xe9but du\\n20\\xe8me si\\xe8cle des districts industriels, ce que les \\xe9conomistes\\nappellent aujourd\\u2019hui plut\\xf4t des clusters qui sont \\xe0 l\\u2019origine des succ\\xe8s industriels\\nde l\\u2019Asie. Il s\\u2019agit de regroupement dans une m\\xeame ville, une m\\xeame\\nvall\\xe9e, une m\\xeame r\\xe9gion d\\u2019entreprises qui font le m\\xeame m\\xe9tier ou des m\\xe9tiers\\nvoisins et qui peuvent donc partager des services en commun, logistique,\\nmarketing, recherche, exportation\\u2026 On en a en France plusieurs exemples, le\\nd\\xe9colletage en Haute-Savoie, qui a permis \\xe0 la France d\\u2019\\xeatre leader mondial\\ndans ce domaine, le v\\xeatement avec la concentration des ateliers textiles dans\\nle Sentier\\u2026
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\\nIls auraient pu enfin parler autrement de formation. Ils en\\ndisent un mot, ils lui consacrent m\\xeame un chapitre et soulignent les gaspillages de la formation professionnelle mais ils n\\u2019apportent de solution \\xe0 un probl\\xe8me\\nli\\xe9, pour l\\u2019essentiel, au d\\xe9tournement des budgets de cette formation par les\\norganisations syndicales, ouvri\\xe8res et patronales, comme l\\u2019avait montr\\xe9 le rapport\\nPerruchot.
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\\nLorsque l\\u2019on aborde les questions de formation, on \\xe9voque en\\ng\\xe9n\\xe9ral le rapprochement de l\\u2019universit\\xe9 et des entreprises. Les auteurs de ce\\nrapport ne manquent pas \\xe0 cette tradition. Peut-\\xeatre aurait-il mieux valu\\nqu\\u2019ils s\\u2019interrogent sur les \\xe9checs r\\xe9p\\xe9t\\xe9s des multiples tentatives faites ces\\ntrente derni\\xe8res ann\\xe9es et qu\\u2019ils proposent ce qui serait tout \\xe0 la fois le\\nplus simple et le plus efficace, tant pour les entreprises que pour\\nl\\u2019universit\\xe9 et pour l\\u2019emploi des jeunes dipl\\xf4m\\xe9s : la mise en place de\\ndispositifs qui donnent aux entreprises la possibilit\\xe9 de contribuer au\\nfinancement de th\\xe8ses d\\u2019\\xe9tudiants en troisi\\xe8me cycle. Cela inciterait les\\n\\xe9tudiants \\xe0 se tourner vers le monde de l\\u2019entreprise et cela donnerait \\xe0\\ncelles-ci la possibilit\\xe9 de nouer des liens avec de jeunes chercheurs susceptibles\\nd\\u2019\\xeatre recrut\\xe9s. On se plaint beaucoup de ce que les entreprises pratiquent peu\\nla recherche ou, plut\\xf4t, qu\\u2019il y a peu de recherche priv\\xe9e. Ce serait un moyen\\nde la d\\xe9velopper.
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\\nPourquoi ce rapport est-il si d\\xe9cevant ?
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\\nOn l\\u2019a compris, j\\u2019ai trouv\\xe9 ce rapport tr\\xe8s d\\xe9cevant, trop\\ncourt dans ses analyses, trop conventionnel dans ses approches. Cela peut, pour\\nune part, s\\u2019expliquer par le peu de temps laiss\\xe9 \\xe0 ses auteurs. Mais cela tient\\naussi \\xe0 la m\\xe9thode retenue. Ses auteurs ont compil\\xe9 les rapports existants,\\nrepris leurs analyses, leurs donn\\xe9es. Pas \\xe9tonnant que dans ces conditions ils\\ntombent sur les m\\xeames propositions et les m\\xeames r\\xe9sultats.
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\\nCela tient encore, et peut-\\xeatre surtout, \\xe0 une erreur de\\ncasting. Louis Gallois est un grand industriel, il connait bien le monde des\\ngrandes entreprises internationales, il sait ce que peuvent \\xeatre leurs probl\\xe8mes\\nde comp\\xe9titivit\\xe9 et comment les r\\xe9soudre. Il conna\\xeet beaucoup moins bien le\\ntissu industriel fran\\xe7ais, les probl\\xe8mes de ces PME dispers\\xe9es sur tout le\\nterritoire qui n\\u2019arrivent pas \\xe0 cro\\xeetre malgr\\xe9 leur potentiel. Il aurait pu\\npallier tout cela s\\u2019il avait eu le temps de mener de v\\xe9ritables analyses, s\\u2019il\\navait pu s\\u2019entourer de sp\\xe9cialistes de ces secteurs, s\\u2019il avait pu aller\\nrencontrer ces dirigeants, r\\xe9fl\\xe9chir avec eux \\xe0 leurs probl\\xe8mes. Il n\'en a,\\n\\xe9videmment, pas eu le temps.
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\\nEst-ce que tout cela condamne les propositions de ce rapport\\net les d\\xe9cisions que le gouvernement a prises \\xe0 sa suite ? pas forc\\xe9ment.\\nLa r\\xe9duction du co\\xfbt du travail soulagera sans doute nombre d\\u2019entreprises dans\\nla p\\xe9riode de grande difficult\\xe9 que nous traversons, cela leur permettra de\\nmieux r\\xe9sister au choc de la concurrence ext\\xe9rieure et peut-\\xeatre m\\xeame pour\\ncertaines de reconqu\\xe9rir des parts de march\\xe9, cela att\\xe9nuera les critiques du\\npatronat \\xe0 l\\u2019\\xe9gard du gouvernement et aidera \\xe0 la n\\xe9gociation d\\u2019accords avec\\nles organisations syndicales sur le march\\xe9 du travail, le gouvernement pouvant\\ndire aux patrons, au Medef,  j\\u2019ai fait ma\\npart, \\xe0 vous, maintenant de faire des efforts, mais cela sugg\\xe8re que les ces\\nmesures risquent de ne pas donner des r\\xe9sultats \\xe0 la mesure des attentes. Et c\\u2019est\\ndommage.
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Les PME ont besoin de trouver de nouveaux modes de financement

Published: June 5, 2012, 12:58 p.m.
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L’euro est plus populaire que l’Europe

Published: June 5, 2012, 12:58 p.m.
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Le défi majeur : l'emploi des jeunes

Published: May 17, 2012, 6:59 a.m.
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Les marchés attaquent la France ?

Published: April 24, 2012, 8:27 a.m.
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L'écologie est en crise

Published: April 17, 2012, 8:21 a.m.
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Sur la fiscalité des entreprises

Published: April 10, 2012, 9 a.m.
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Trois débats sur la fiscalité

Published: March 26, 2012, 7:07 a.m.
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Les inégalités et la crise

Published: March 20, 2012, 3:59 p.m.
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Evasion fiscale

Published: March 13, 2012, 10:37 a.m.
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Chômeurs, leur vécu,

Published: Feb. 28, 2012, 9:59 a.m.
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Emploi : le « miracle » allemand

Published: Feb. 21, 2012, 11:20 a.m.
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L’exemple allemand…

Published: Feb. 7, 2012, 8:29 a.m.
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L’Allemagne comme modèle
La nouveauté de cette dernière semaine est certainement l’installation de l’Allemagne comme modèle économique pour la France. Certains s’en réjouissent, trouvant que c’est une excellente chose que l’Europe entre ainsi dans les faits, d’autres s’en offusquent, trouvant assez surprenant et, pour tout dire, un peu déplaisant de se voir ainsi comparé au bon élève si l’Allemagne est bien un bon élève, ce qui n’est pas le cas dans tous les domaines comme on nous l’a régulièrement rappelé. Mais cet exemple allemand a été surtout convoqué par le Président de la République pour vendre sa TVA sociale dont l’objectif avoué est de réduire le coût du travail.

On a dit, à juste titre, qu’une hausse de 1,6% de la TVA n’effacerait pas l’écart entre les salaires français et ceux pratiqués dans les pays émergents. C’est l’évidence, mais ce n’est sans doute pas l’objectif. Cette mesure vise beaucoup plus les écarts de compétitivité entre l’industrie française et celle de nos voisins immédiats avec lesquels nous faisons l’essentiel de notre commerce. Est-ce que ce sera suffisant ? ce peut l’être marginalement pour des entreprises qui exportent en Europe des produits également fabriqués en Italie, en Espagne ou en Allemagne. Tous pays qui pourraient, éventuellement, réagir, en prenant à leur tout des mesures qui renchérissent nos produits.

Mais revenons à l’Allemagne : son succès viendrait, si on a bien compris Nicolas Sarkozy, de ce qu’elle a su baisser les salaires, de ce qu’elle a, au fond, appliqué les recettes du Medef. C’est, bien sûr, inexact. Si l’industrie allemande est aujourd’hui si puissante c’est pour bien d’autres motifs.

Entreprises exportatrices : des salaires plus élevés que la moyenne
Les performances de l’industrie allemande à l’exportation sont, nous dit-on, la meilleure preuve de sa compétitivité. C’est exact. Mais il faut tordre le coût à une première idée : ce ne sont pas des salaires plus faibles qui en sont la cause. Non seulement, les salaires allemands, sont, malgré les mesures de Schröder, parmi les plus élevés au monde, mais ils sont plus élevés que la moyenne dans le secteur manufacturier et ils le sont plus encore dans les entreprises qui exportent (Schank, Schnabel, Wagner, Do exporters really pay higher wages? et Klein, Moser, Urban, The contribution of trade to wage inequality). Ce n’est pas propre à l’Allemagne. On retrouve le même phénomène un peu partout dans le monde, dans les pays industrialisés comme dans les pays émergents. Aux Etats-Unis, l’écart sont de l’ordre de 7 à 11%. Et ceci est particulièrement vrai pour les salariés les plus qualifiés.

En Allemagne, cet écart entre les salaires pratiqués dans les entreprises qui exportent et celles qui ne travaillent que pour le marché domestique n’a fait que croître ces dernières années avec la libéralisation des marchés et l’augmentation du nombre d’entreprises allemandes qui exportent.

On devine pourquoi : les entreprises qui exportent emploient des personnels plus qualifiés, la concurrence plus vive à laquelle elles sont confrontées les amènent à investir dans tout ce qui peut améliorer leur compétitivité. Et, enfin, comme elles sont en général plus importantes que la moyenne, elles bénéficient d’économies d’échelles. Ce ne sont pas les exportations qui augmentent les salaires, mais ce sont les plus performantes, celles qui emploient les personnels les plus qualifiés, celles donc qui paient les meilleurs salaires, qui exportent. S’il y a eu modération salariale en Allemagne, elle a surtout concerné les entreprises qui travaillent pour le marché domestique.  Ce n’est donc pas de ce coté là qu’il faut chercher la raison des meilleures performances de l’industrie allemande.

Un tissu de PME exportatrices qui ont la confiance de leur banquier
La raison est plutôt à chercher du coté de la structure de l’industrie allemande. On sait qu’il y a plus de grosses PME en Allemagne qu’en France. Et que celles-ci, qu’on appelle les Mittelstand, jouent un rôle déterminant dans les succès de l’industrie allemande à l’étranger. Mais pourquoi ?
On peut avancer plusieurs explications. La première est à chercher du coté du financement de ces entreprises le plus souvent familiales qui entretiennent des liens étroits avec leur banquier. Elles n’en ont souvent qu’un, l’Hausbank, qui les connaît parfaitement bien et est un spécialiste du crédit aux entreprises industrielles. Parce qu’il entretient avec eux des relations solides, il leur prête volontiers sur le long terme, ce qui favorise les investissements de productivité. Parce que c’est un spécialiste du crédit aux entreprises, il peut leur fournir des services multiples et variés : analyse économique du secteur, études de marché à l’étranger…

A l’inverse, les entreprises françaises même petites ont en général plusieurs banquiers qui les connaissent moins bien, sont donc plus sensibles au risque pris et préfèrent, pour ce motif, leur prêter sur le court terme : les banques françaises consentent plus volontiers des avances de trésorerie à leurs clients que de quoi financer des équipements et des machines.

Ce mode de financement favorise bien sûr le développement d’activités industrielles qui demandent plus de capitaux que les activités de service.

Cette qualité des relations entre les entreprises et leur banque est particulièrement utile dans les périodes de crise. Lorsqu’en 2009, l’industrie allemande a connu de très graves difficultés, les banques sont venues au secours de ces entreprises familiales, les prêts aux entreprises ont augmenté alors que chez nous, on le voit aujourd’hui, nos grandes banques ont plutôt tendance à restreindre le crédit dans les périodes difficiles.
Et lorsqu’elles prêtent, elles le font dans des conditions proches de celles consenties aux grandes entreprises, ce qui est bien moins le cas en France. 

Cette différence tient, pour beaucoup, à la structure du secteur bancaire en Allemagne, bien moins concentré qu’en France, avec beaucoup de banques locales, municipales, de coopératives, de caisses d’épargne, les Sparkassen, spécialisées dans le financement de l’industrie, souvent contrôlées par le autorités municipales particulièrement attentives aux performances des entreprises et au marché de l’emploi. Beaucoup ont, d’ailleurs, dans leur raison sociale l’obligation d’être profitable mais aussi de soutenir les activités locales. Si l’on cherchait quelque chose de similaire en France, on pourrait le trouver du coté des caisses régionales du Crédit Agricole dont  le rôle dans le soutien l’agriculture française a longtemps été déterminant. De ce point de vue, le projet de François Hollande de créer une banque d’investissement avec des établissements délocalisés dans les régions, proches donc des entreprises, est une bonne idée qui pourrait corriger cette faiblesse notre économie.

Une spécialisation qui protège
Autre différence : la spécialisation. Les PME allemandes qui exportent sont plus autonomes que les françaises. Elles ont cherché et trouvé des niches, des créneaux techniques sur lesquelles elles se sont développées à l’abri de la concurrence avec des produits qui ne souffrent pas trop d’un coût élevé, soit parce que le travail n’entre que pour peu dans leur coût final, soit parce qu’ils sont protégés par des brevets qui interdisent la copie, soit encore parce que leur fabrication demande de telles compétences que les écarts de salaires entre pays ne jouent plus de manière aussi significative.

Les grosses PME françaises, qui sont souvent des filiales des grands groupes industriels, pratiquent plus volontiers la sous-traitance : si elles exportent, c’est à l’abri, sous le parapluie des grands groupes. Or, cela les fragilise : leur donneur d’ordre peut à tout moment leur préférer un concurrent mieux disant installé ailleurs dans le monde. Tout ce que l’on dit sur l’incitation des grands groupes à tirer les PME à l’exportation va donc plutôt dans le mauvais sens.

Cette autonomie à l’exportation des PME allemandes n’est possible que parce que l’Allemagne a développé un formidable outil de mutualisation, de partage des efforts commerciaux. C’est le pays des grandes foires. Il faut être allé une fois à la Foire de Hanovre, qui regroupait l’année dernière 6500 entreprises venues de plus de 65 pays pour en mesurer la puissance. Les industriels du monde entier viennent faire leur marché en Allemagne. On ne peut pas dire qu’ils le fassent en France. Et ces foires allemandes sont accessibles à toutes les entreprises, même aux plus petites : le m2 de stand est vendu à la foire de Hanovre moins de 200€.

Centrales nucléaires, TGV ou aéronautique, pour ne prendre que ces quelques exemples de spécialités industrielles françaises, font appel à de très hautes technologies et demandent des compétences et tout un environnement qui ne se copient pas du jour au lendemain. Il faudra des années avant que la Chine ou l’Inde fabriquent des avions capables de faire concurrence à Airbus ou à Boeing. Des années, sauf si… nous les aidons. Et on aperçoit là une autre différence majeure entre la France et l’Allemagne.
Nos exportations sont très souvent tirées par de gros contrats négociés au plan politique. Nicolas Sarkozy est allé en Inde faire la promotion du Rafale, après l’avoir tenté sans succès au Brésil et en Lybie, et il espère bien en tirer un avantage politique. D’autres avant lui ont fait de même et c’est même une des traditions les mieux ancrées dans les couloirs du pouvoir que l’organisation de ces voyages politico-industriels où le Président emmène quelques dizaines de grands patrons pour signer des contrats. La presse d’opposition s’en moque en général, soulignant chaque fois que possible l’écart entre les déclarations d’intention et la réalité des contrats effectivement signés. Mais il arrive qu’ils aboutissent. Et c’est alors que la différence entre l’Allemagne et la France apparaît.

Que peuvent en effet demander les autorités politiques des pays clients au Président de la République ? des remises de prix ? Ce n’est pas de leur compétence. Ils recherchent des avantages politiques, des investissements chez eux et des transferts de technologie. En achetant des Rafales, si elle les achète bien, l’Inde se procurera également des compétences, du savoir-faire qu’elle pourra demain nous opposer. Il en va évidemment tout autrement lorsqu’un industriel indien achète des roulements à bille, des moteurs ou des pièces mécaniques très sophistiquées à un producteur allemand : seuls comptent alors les caractéristiques, les performances et le rapport qualité-prix. Dit autrement, la spécialisation de l’Allemagne la protège mieux de la concurrence des pays émergents.

Un hinterland industriel
Toutes ces caractéristiques que je viens de décrire sont anciennes, datent, pour certaines, du début de l’industrialisation en Allemagne, pour d’autres de l’immédiat après-guerre lorsqu’il a fallu créer des institutions financières pour distribuer les fonds du plan Marshall. Les mesures Schröder n’ont donc pas grand chose à voir avec cela. Les mini-jobs dont on parle tant, ces emplois qui permettent de gagner 400€ en travaillant à temps partiel exonéré de cotisations sociales et d’impôts qui ont tant fait pour améliorer les statistiques du chômage outre-Rhin et augmenter le nombre de travailleurs pauvres, sont surtout utilisés dans les activités de service : restauration rapide, services aux personnes, commerce de détail… On en trouve beaucoup moins dans les entreprises industrielles qui ont besoin d’un personnel qualifié.
Ce qui est nouveau, et probablement décisif pour l’avenir de l’industrie allemande, est la création, ces dix dernières années d’un véritable hinterland, d’un arrière pays industriel dans les ex pays socialistes, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et, surtout, la Tchéquie. Les industriels allemands ont investi massivement dans ces pays, surtout l’industrie automobile qui voyait ses marges diminuer et qui souffrait d’un manque de flexibilité lié au développement d’une automatisation conçue pour réduire le coût du travail.

On en parlait la semaine dernière, à propos de la Chine, l’automatisation a de nombreuses vertus, elle améliore la productivité mais elle rend plus difficile les changements rapides de gammes de production.
En créant des usines dans les ex-pays de l’Est, les Allemands ont trouvé des pays avec des traditions et un environnement favorable, une population éduquée, une tradition industrielle, un enseignement professionnel de qualité que le communisme n’avait pas détruit. Et, bien sûr, une main d’œuvre bien meilleur marché et ceci à quelques heures de route de ses grands centres de production. Il ne faut pas plus de 5 heures de transport par la route pour aller de Prague au cœur de l’Allemagne. Ce n’est pas plus loin que Paris de Lyon.

Les industriels qui se sont installés en nombre dans ces pays de l’Est, sont allés chercher des salaires plus faibles mais aussi une plus grande flexibilité. Flexibilité dans la production comme je le disais à l’instant avec des usines moins automatisées, mais aussi flexibilité salariale. Il est bien plus facile de faire varier, à la hausse ou à la baisse, le coût du travail dans ces pays qu’en Allemagne ou en France. Parce qu’il est plus facile de licencier le personnel quand la charge de travail diminue, mais aussi parce que la structure des salaires s’y prête qui associe un fixe et des primes ou des bonus dont le montant varie en fonction de l’activité. Si celle-ci diminue, la masse salariale suit…

Ces investissements dans les ex pays socialistes sont en train de modifier profondément la géographie économique de l’Europe. Il ne s’agit pas en effet de délocalisations éphémères comme celles que pratiquent les industriels à la recherche de coûts salariaux toujours plus faibles, comme Nike qui quitte un pays lorsqu’il trouve mieux ailleurs, il ne s’agit pas non plus de délocalisations pour conquérir un marché, comme lorsque Carrefour s’installe en Chine pour vendre aux consommateurs chinois, il s’agit vraiment de la constitution d’une immense zone industrielle à l’est de l’Europe. Les Allemands sont là pour rester. En témoignent leurs investissements en R&D dans ces pays qui vont leur apporter dans la durée ce qui risque de rapidement leur manquer en Allemagne : une main d’œuvre abondante et motivée (Kampik, Dachs, The Innovative Performance of German Multinationals Abroad). 

Un modèle allemand ?
On connaît les problèmes démographiques de l’Allemagne. Ce n’est pas la seule difficulté qui menace à moyen terme l’économie allemande. Il en est une autre directement liée à ces mesures prises par Gerhard Schröder dont on nous vante aujourd’hui les mérites de ce coté ci du Rhin : le désengagement des salariés allemands. Un récent sondage de Gallup, l’institut américain, révélait que 13% seulement des Allemands étaient engagés dans leur travail. 20% de la population est activement désengagée et le reste n’est ni l’un ni l’autre. Cela se traduit par un absentéisme élevé que Gallup a évalué à 247€ par salarié, et probablement par une diminution de la productivité et une dégradation de la qualité. D’autres études soulignent les effets pervers des mii-jobs introduits par Schröder qui éloignent du marché du travail des gens qui se contentent de ce salaire d’appoint plutôt que de chercher un emploi.
S’il convient de regarder ce qui se passe en Allemagne, s’il est pertinent de s’en inspirer ce n’est pas forcément en allant chercher du coté de mesures dont la principale vertu aux yeux de ceux qui nous les proposent est d’apporter de l’eau au moulin du Medef. Le montant des salaires et des cotisations sociales sont une réalité incontournables. Et si l’Allemagne nous donne un exemple, c’est bien lorsqu’elle nous montre que l’on peut rester compétitif avec un coût du travail élevé pour peu que l’on construise une économie et une offre industrielle adaptées. C’est ce à quoi devraient s’attacher nos prochains gouvernements.








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Industrie : l'exemple chinois

Published: Jan. 31, 2012, 9:10 a.m.
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Ce n'est pas le coût du travail

Published: Jan. 31, 2012, 9:10 a.m.
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La tentation protectionniste

Published: Jan. 17, 2012, 10:03 a.m.
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Une grève moderne à propos de la grève des agents de sûreté aéroportuaire

Published: Dec. 27, 2011, 8:59 a.m.
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Bernard Girard
Une grève moderne
Le 26/12/2011



La grève dans les aéroports

Depuis une dizaine de jours, aucun journal radio ou télé ne s’ouvre qui ne nous donne des informations sur la grève des personnels de sûreté des aéroports. On a vu le gouvernement prendre fait et cause pour les usagers obligés de faire de longues queues jusqu’à envoyer des policiers et des gendarmes les remplacer, geste extrême qui amènerait, dans une entreprise privée, le patron qui oserait cela devant les tribunaux.
On comprend les intentions du gouvernement : jouer de l’agacement que suscite ce genre de grève à la veille de Noël, faire preuve de fermeté à la veille d’une échéance électorale et mettre en difficulté son adversaire socialiste partagé entre le soutien aux grévistes et le souci des usagers. Commet-il une erreur ? ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas certain. La recette a été suffisamment souvent éprouvée pour qu’on ne puisse exclure qu’elle marche une nouvelle fois, tant il est vrai qu’il est pénible de faire la queue dans un aéroport dans l’attente d’une inspection de bagages qui s’éternise…

Cette grève qui s’achève avec des accords qui ne donnent pas vraiment satisfaction aux grévistes aura, cependant, été l’occasion de jeter un œil sur une profession que l’on connaît sans la connaître, une profession assez caractéristique des évolutions de ce qu’on appelait hier la classe ouvrière.

Des effectifs largement issus de la diversité

Une première remarque frappe quiconque a jeté un regard sur les personnels qui assurent la sécurité dans les aéroports : beaucoup, sinon la majorité des personnels employés dans ces activités de contrôle sont issus de ce qu’on appelle aujourd’hui la diversité. Ils sont une bonne illustration de ces nouvelles couches populaires qui occupent les emplois de service, mais aussi les emplois ouvriers. Issus de familles immigrées ou eux-mêmes immigrés, souvent de sexe féminin, plus de 45% de ces agents sont des femmes, ce qui est exceptionnel dans les métiers de la sécurité, ils ont fait des études qui leur ont permis d’acquérir quelques compétences. Mais l’absence de diplômes ou lorsqu’ils en possèdent, ce qui est le cas d’un certain nombre, la possibilité de le faire valoir, et le chômage les ont condamnés à travailler dans ces nouveaux métiers des services qui demandent des compétences, comme on verra, mais qui sont mal considérés, mal payés et soumis à des contrats précaires.

Toutes caractéristiques qui pourraient donner mille occasions de faire grève et que l’on retrouve d’ailleurs dans les revendications des grévistes qui réclament une augmentation de 200€ par mois.

Cette grève a donc plusieurs dimensions, même si c’est d’abord une grève pour les salaires. Il est vrai qu’ils sont faibles. De l’ordre de 1500€ brut par mois, ce qui représente à peu près 1300€ net pour qui a un emploi à plein temps. Des salaires plus faibles encore, donc, pour ceux qui travaillent à temps partiel, ce qui n’est pas le cas le plus fréquent. Des salaires d’autant plus faible qu’il ne s’agit pas d’emplois de bureau, mais d’emplois postés avec des horaires décalés, du travail de nuit, le samedi et le dimanche. Le contrôle des bagages et des passagers se fait sept jours sur sept, de très tôt le matin à très tard le soir.
On dira que ces salaires correspondent à ceux d’emplois sans qualification. Mais est-ce vraiment le cas ?

Des métiers qui demandent des compétences

Ce sont des métiers qui paraissent demander peu de qualifications, mais comme souvent dans les services, c’est bien plus compliqué que cela.

Ces métiers demandent en réalité des qualifications. Elles sont décrites dans la littérature professionnelle, dans les conventions collectives. Il faut, pour ne prendre que cet exemple, un niveau minimal d'anglais permettant de procéder à une réconciliation bagage/passager. Il faut maîtriser l’agacement des passagers, savoir calmer le jeu, maîtriser les outils mis à leur disposition, savoir pratiquer une fouille… De fait, on ne peut exercer ces métiers sans une formation et sans un certificat de qualification professionnelle (CQP) délivré par un centre de formation conventionné par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) mais aussi, ce qui est plus rare, un double agrément du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice.
Ces métiers demandent donc des qualifications réelles et diversifiées puisqu’il y a plusieurs métiers, opérateurs, profileur, chef d’équipe… ce qui explique qu’on ne puisse remplacer au pied levé les grévistes. Les policiers et gendarmes que le ministère de l’intérieur a mobilisés en masse n’ont en rien diminué la longueur des queues : ils ne savent tout simplement pas faire, ils n’ont pas été formés pour.
Mais, comme souvent dans le monde des services, il s’agit de qualifications banales, beaucoup de gens savent un peu d’anglais, et les formations techniques, plus rares, sont courtes au plus quelques semaines. Ce qui explique que le turn-over y soit élevé et les rémunérations faibles : des compétences banales ne favorisent pas les salaires élevés.

Une structure qui favorise la concurrence et donc les salaires faibles

Ce n’est pas la seule raison qui explique des salaires faibles. Il est d’autres salariés aux compétences tout aussi banales qui réussissent à obtenir des salaires plus élevés. Si les salaires sont ici si faibles, c’est que la structure et l’organisation du secteur s’y prêtent. Cette activité qui était autrefois prise en charge par des policiers a été privatisée en 1996 et confiée à des sociétés privées qui se font concurrence, une concurrence d’autant plus vive qu’elles sont nombreuses, une douzaine se partagent le marché des aéroports parisiens, et que leur contrat est remis en cause tous les trois ans.

Cette concurrence permanente favorise naturellement le maintien de salaires faibles dans des activités qui sont essentiellement de main d’œuvre. A chaque renouvellement de contrat, un concurrent peur venir avec une solution plus économique. Dans d’autres métiers, cela passerait probablement par des gains de productivité qui réduisent les effectifs mais maintiennent les salaires quand ils ne les augmentent pas. Dans des métiers de main d’œuvre comme ceux de la sécurité, les entreprises qui veulent réduire leurs coûts doivent agir sur la masse salariale.  

Elle sont d’autant plus incitées à le faire que ce n’est plus une activité en croissance. Le chiffre d’affaires des sociétés spécialisées a diminué de manière significative ces dernières années.

Cette diminution est pour une part liée à la baisse du trafic passager. Elle s’est accompagnée d’une diminution des effectifs. Or, l’on sait que ce n’est pas lorsqu’elles licencient que les entreprises sont le plus incitées à accorder des augmentations de salaires. Entre 2003 et 2009, les entreprises spécialisées ont perdu un millier d’emplois. Mais comme cela ne suffisait pas, certaines entreprises ont réduit les rémunérations de leurs personnels. Plusieurs salariés interrogés dans la presse à l’occasion de cette grève ont indiqué que les leurs avaient diminué lorsque la Brinks, l’un des principaux opérateurs, avait repris le contrat d’un précédent prestataire. Voyons comment. Et pour cela il nous faut raconter la manière dont cette grève a commencé à Lyon Satolas.

Un métier sous contrôle permanent

La grève a donc commencé le 16 décembre à Lyon, elle s’est rapidement étendue à d’autres aéroports de province et de la région parisienne, à Orly, puis à Roissy.

Cette contagion rapide, pas si fréquente dans une profession éclatée entre près de 150 sites (il y a en France 145 aéroports qui reçoivent des passagers) est l’indice du profond mécontentement des personnels qui exercent ce travail.

Un mécontentement que l’on peut mesurer à un taux de turn-over très élevé. Cette profession employait en 2009 9800 personnes. La même année, 4350 personnes ont quitté ce métier et 3700 ont été recrutées. Taux de départ : 44%, taux de recrutement : 38%. Peu de professions ont un taux de turn-over aussi élevé. Mais si jusqu’à présent les salariés mécontents se contentaient de donner leur démission, en un mot de voter avec leur pied, ils ont cette fois-ci décidé de se mettre en grève. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir au mois de novembre, quelques semaines avant que n’éclate la grève, à l’aéroport de Satolas, dans la banlieue de Lyon.

Pendant des années, le contrat de surveillance des passagers était, dans cet aéroport, assuré par Securitas. Puis, en novembre dernier, la Brinks a repris ce contrat. Dans ces cas là, l’entreprise qui emporte le contrat reprend les salariés déjà en place en application de l’article L122-12 du code du travail qui indique que « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Cet article est appliqué dans de nombreux métiers de service, l’informatique, le transport, la gestion des eaux, des ordures… il l’est chaque fois qu’il y a des activités de sous-traitance. Il protège les salariés mais aussi les donneurs d’ordre qui peuvent plus facilement se défaire d’un prestataire qui ne leur convient plus si celui-ci peut se dégager du contrat sans devoir licencier tout son personnel.

La Brinks a donc repris les salariés de Securitas, mais elle ne s’est pas contentée de reprendre l’activité, elle l’a réorganisée de manière à en réduire le coût : elle a diminué le nombre d’heures de nuit et demandé aux opérateurs chargés du contrôle d’effectuer également l’accueil, deux mesures qui lui permettaient de réduire la masse salariale et donc de faire une proposition plus avantageuse que celle de Securitas, c’était l’objectif et c’est ce qui lui a permis de gagner la compétition, mais elle l’a fait aux dépens des salariés qui ont du, dés novembre, travailler plus pour gagner moins du fait de la réduction des heures de nuit qui sont, comme on sait, majorées.

Lorsque l’on parle de privatisation, on pense en général au transfert de la valeur ajoutée vers les actionnaires, mais il faut, dans ces activités de sous-traitance, aussi, et peut-être surtout, compter avec cette mise en concurrence qui incite les entreprises à réduire leurs coûts, et donc leurs coûts salariaux, pour obtenir les contrats.

Au delà des salaires, un contrôle éprouvant…

Ces réductions de salaire et augmentation de la charge de travail étaient en soi un motif de mécontentement. Elles se sont compliquées, dans ce métier très particulier qu’est la sûreté dans les aéroports, d’une pression très forte de la hiérarchie, d’une hiérarchie qui a changé avec le renouvellement du contrat : il ne s’agit pas que les salariés relâchent leur attention au risque de laisser passer un terroriste ou quelqu’un qui y ressemble. Les personnels sont en permanence contrôlés, surveillés, comme peu le sont. C’est une autre caractéristique de plusieurs de ces métiers de service que l’on rencontre plus rarement dans l’industrie où les contrôles portent en général plus sur les produits, sur la qualité, que sur les individus.

Ce contrôle permanent est éprouvant. Il l’est plus encore lorsque l’on est mécontent et que l’on est tenté de protester contre son employeur en réduisant ses cadences, en pratiquant des formes plus ou moins sauvages de grève perlée.

Des salariés mécontents, dont les rémunérations réelles diminuent, dans l’impossibilité de quitter leur emploi vue la montée du chômage, dans l’impossibilité de manifester leur mécontentement en limitant leurs cadences, en permanence soumis au contrôle de leur hiérarchie… il n’en faut pas beaucoup plus pour que la grève, qui n’est pas dans leur tradition de métiers peu syndiqués, paraisse comme la seule solution

Et comme chaque fois qu’il y a grève, les frustrations, les humiliations remontent. Et elles sont nombreuses pour ces salariés qui, travaillant pour des prestataires extérieurs, n’ont pas droit aux services que les aéroports et notamment ADP, Aéroports de Paris, offrent à leur personnel, en matière de restauration, de comité d’entreprise. Autant de détails qui ajoutent au sentiment d’être maltraité et considéré comme des travailleurs de seconde zone.

Au delà des salaires, c’est tout un système que ces personnels de sûreté contestent donc. Et si ce mouvement a pris tant d’ampleur, s’il s’est étendu à tant d’aéroports c’est que cette situation est vécue par tous de la même manière.

Des usagers pris en otage

Le grand argument pour casser cette grève et envoyer des policiers remplacer des grévistes est qu’elle prend en otage les usagers, les passagers qui partent en vacances. C’est bien le cas et c’est l’une des caractéristiques des grèves dans les transports d’affecter directement les usagers qui peuvent, à juste titre, se sentir les otages d’un conflit qui ne les concerne en rien, au moins au premier abord. En réalité, ils sont tout à fait concernés puisqu’ils bénéficient de ce système, la pression sur les prestataires se retrouvant dans les prix des billets. Les taxes que les compagnies aériennes paient aux aéroports pour les dépenses de sécurité et de sûreté varient de 8 à 13€, ce qui n’est pas négligeable sur des billets dont les prix ont, on le sait, beaucoup diminué. Elles seraient sans doute plus élevées de quelques dizaines de centimes si les salaires des personnels chargés de la sûreté étaient plus élevés.

Mais revenons aux usagers. Lorsqu’un constructeur automobile fait grève, ses clients peuvent se tourner vers la concurrence. Dans le cas des aéroports, des compagnies de transport public c’est beaucoup plus difficile. Tout simplement parce qu’elles disposent d’une espèce de monopole sur leur activité. Ce qui donne à des salariés qui n’en ont guère d’autre un moyen de pression sur leur employeur mais aussi sur le donneur d’ordre, en l’espèce les aéroports.

On a parfois parlé d’égoïsme, on a reproché à ces salariés de ne pas se préoccuper du confort des voyageurs qui partaient en vacances. A-t-on oublié combien ces mêmes passagers peuvent être, à l’occasion, déplaisants avec ces personnels chargés de la sûreté ? mais ce n’est qu’un détail. Revenons aux aéroports.

On aura remarqué combien ils sont jusqu’à présent restés discrets. Alors même que ce sont eux qui tiennent la solution. Il leur suffirait de renégocier le contrat de manière à autoriser ces entreprises à augmenter leurs salariés pour qu’elles cèdent. C’est ce qu’ils feraient si l’Etat et les compagnies aériennes les y incitaient. Mais c’est manifestement tout le contraire. Bien loin de pousser les entreprises et les aéroports à négocier, le gouvernement menace les syndicats, casse la grève, envoie des policiers et des gendarmes remplacer les grévistes. Sous couvert de prendre le parti des usagers, il prend en fait celui des aéroports et de ces sociétés de service.

Cette attitude pourrait surprendre de la part d’un gouvernement qui n’a de cesse de parler de la classe ouvrière, de chercher à la séduire par tous les moyens. Mais il est vrai qu’il aime une classe ouvrière docile qui travaille plus pour gagner plus sans protester, qui ne se met pas en grève, qui achète français et vote comme il faut, c’est-à-dire à droite… Ce n’est pas vraiment une surprise, c’est juste le rappel d’une évidence : la droite n’a jamais aimé les combats ouvriers et s’est toujours trouvée, dans les luttes sociales, du coté du patronat. Est-ce que ce rappel aura un effet sur la campagne ? est-ce que cela empêchera Nicolas Sarkozy de vanter les valeurs ouvrières le temps d’un discours ? ce n’est même pas certain tant la gauche s’est montrée discrète. Sans doute François Hollande a-t-il critiqué la gestion « à coups de menton » de la grève et l’envoi de policiers dans les aéroports, mais on aurait aimé qu’il profite de cette crise pour nous dire s’il envisage de revoir une organisation des services dans les aéroports qui est, disons pour rester mesuré, perfectible.

Il ne l’a pas fait. C’est dommage. Ce l’est d’autant plus que l’on peut deviner au travers de ce conflit ce qui frappe et fruste beaucoup de salarié : l’augmentation des contrôles sur leur travail, la pression sur les effectifs et les salaires, l’instabilité de la hiérarchie, des procédures, des stratégies.
Si la gauche voulait vraiment susciter un désir chez les électeurs il faudrait qu’elle leur donne le sentiment qu’avec elle les choses peuvent vraiment changer de manière concrète. Les employés des société de sûreté ne demandent pas autre chose : quelques dizaines d’euros de plus par mois, de la considération et des motifs de conserver des emplois qu’ils fuient lorsqu’ils ne font pas grève.




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