L'origine du monde : Laurent Lafitte lève des lièvres avec une histoire de chatte

Published: Sept. 16, 2021, 9 a.m.

À quoi tient une bonne comédie ? Peut-être bien à ce que l'on trouve de moins en moins souvent dans celles françaises : un postulat non seulement original mais surtout qui s'en sert pour s'affranchir de certaines limites.


Pour son premier film de réalisateur, Laurent Lafitte a fait le bon choix en allant piocher chez l'un des auteurs actuels de théâtre de boulevard les plus audacieux, Sébastien Thiéry. Comme souvent chez lui, l'argument de L'origine du monde, secoue des bases classiques, celle du vaudeville pour les malaxer avec des éléments d'absurde délirant, voire de surréalisme pour un commentaire social bien senti. En l'occurrence, avec un quadra petit bourgeois qui se retrouve un matin avec son cœur qui ne bat plus mais reste pourtant vivant. La seule solution pour retrouver un état normal est de fournir à une psy, marabout new-age sur les bords, une photo du sexe de sa mère. Lafitte a conservé cette combinaison d’Œdipe sur le fond et de Bunuel dans la forme mais ajoute son propre sens du décalage.


De quoi se réapproprier la mécanique parfaite de Thiéry pour mieux la détraquer. Là où le dramaturge se demandait si un homme sans cœur est toujours un homme, Lafitte enfonce le clou avec une joviale provocation pour s'attaquer en bonus aux notions de couple, d'amitié ou de famille, le tout sur un ton frontal pas éloigné de ce qu'aurait pu faire un Bertrand Blier avec cette matière. D'ailleurs, Lafitte reprend à son compte le fameux esprit « décontracté du gland» en mettant littéralement à poil le trio déchainé qu'il forme avec Vincent Macaigne et Karin Viard. Ce qui n'empêche pas une paradoxale pudeur, quand derrière les mordants dialogues cash ou les réjouissantes situations trash, L'origine du monde cache une autre mise à nu : entre une incartade au bois de Boulogne, d'insistants dialogues à double-sens entre les personnages joués par Laffite et Macaigne ou des génériques d'ouverture et clôture utilisant des chansons de Marie Laforêt et Shirley Bassey, références culturelles gays, une lecture possible du film comme celui du coming-out de son auteur s'installe rapidement. Il n'est donc pas impossible qu'avec ce solide premier essai derrière la caméra, Laffite coupe bien bien plus qu'un cordon ombilical. Qu'il le fasse à pleine dents, n'en est que honorable.

En salle depuis le 15 septembre



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