Puisque vous avez du talent - Catherine Janssens et Emilio Crabbé, luthiers : ' Le bon instrument, c'est celui que le musicien va oublier, et qui va laisser sa place au discours musical ' - 24/01/2021

Published: Jan. 24, 2021, 11:03 a.m.

Catherine Janssens et Emilio Crabbé ont tous deux étudié la lutherie à Newark (ndlr. : dans les Midlands britanniques), dans l'une des grandes écoles de lutherie en Europe. Pour tous les deux, aussi, cette passion, qui est aujourd'hui leur métier, leur est apparue un jour, comme un coup de foudre. Emilio Crabbé a 14 ans, quand il visite pour la 1ère fois l'atelier du luthier Thomas Bertrand, à St Gilles. La lumière, l'odeur du bois, le touchent au plus profond de lui, il le sait déjà, un jour il sera luthier. Par la suite, et avant de rejoindre l'école de Newark, il sera aussi accompagné par François Bodart. Après ses études au Royaume-Uni, Emilio travaillera pendant 6 ans, dans l'Atelier de Stephan Von Baer, d'abord à Paris, puis dans sa filiale berlinoise. Fin 2019, il s'installe à Taïwan, avec son épouse, Chilling Chen, elle aussi luthière Quant à Catherine Janssens, c'est le violon, -qu'elle étudie dès l'âge de 4 ans-, qui la conduira à la lutherie. Une discipline qu'elle découvre en l'an 2000, alors qu'était organisée une grande exposition à Bruxelles. Après avoir étudié le violon au Conservatoire, et détentrice d'un diplôme universitaire, Catherine décide néanmoins d'étudier la lutherie : "La lutherie", nous confiera-t-elle, "réunissait tous mes centres d'intérêt ! " Elle fera ses premières armes chez Amelio Cicuttini, à Bruxelles. Après quoi, elle rejoindra l'école de Newark. Diplômée, elle revient à Bruxelles, et ouvre son propre atelier, aujourd'hui installé à Schaerbeek. En 2014, elle fonde également, avec d'autres luthiers et archetiers, le collectif Ekho qui promeut la lutherie contemporaine, et crée des ponts entre les luthiers et les musiciens. Un lien que nos deux invités s'emploient à tisser, à renforcer, et à cultiver. " Les luthiers sont au service des musiciens", nous rappellera Emilio Crabbé, " Nous passons beaucoup de temps avec eux, ils essaient nos instruments, nous nous parlons beaucoup, c'est comme cela que nous pouvons évoluer ! " Et Catherine Janssens de compléter : " Il faut juste que nous apprenions à développer un vocabulaire commun, pour pouvoir mieux communiquer, et par conséquent mieux nous comprendre, mais c'est quelque chose qui vient spontanément lorsqu'on apprend à se connaître. J'aime expliquer aux musiciens ce que je fais, j'aime échanger avec eux ! " Et d'échange, il est aussi beaucoup question entre les luthiers eux-mêmes. Emilio Crabbé nous rappellera qu'à l'âge d'or de la lutherie italienne du 18e siècle, les échanges étaient omniprésents entre les luthiers, qui étaient par ailleurs tous installés dans la même rue. Une tradition qui s'est perdue au 19e siècle pour renaître aujourd'hui. Et Catherine Janssens de nous raconter, amusée que " Stradivarius était un type malin, un homme d'affaire, et lorsqu'on observe de près ses créations, on peut voir que certains détails n'étaient pas nécessairement soignés à l'extrême. En revanche, toutes les pièces essentielles de ses violons : la table, la voûte, l'âme, la touche... Tout cela était extrêmement soigné ! " Avec Catherine Janssens, et Emilio Crabbé, on parlera aussi du mythe, parfois fantasmé de ces grands violons anciens des 17e et surtout du 18e, objets de spéculations. Aujourd'hui, la science permet d'aller très loin. On a pu étudier tous les plans, et l'on est aujourd'hui en mesure de fabriquer des violons contemporains, de la même qualité que ceux de l'époque. A l'écoute en aveugle, on est surpris des résultats, parce que la différence n'est pas vraiment notable, ni évidente ! L'on voit ainsi que si le bois a eu le temps de bien sécher, les violons contemporains de nos deux invités peuvent développer tout leur potentiel, et tenir la dragée haute, à ceux de leurs ancêtres. Des ancêtres dont nos invités s'inspirent chaque jour, tout en développant leur savoir-faire personnel. Et les luthiers Catherine Janssens et Emilio Crabbé de conclure notre belle conversation : " Un bon instrument, c'est un...