La competitivite c'est aussi le dialogue social

Published: Nov. 27, 2012, 9:30 a.m.

\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n\n
\n\n
\n\nPour \xe9couter cette chronique\n\n
\n\nPatronat\net syndicats de salari\xe9s n\xe9gocient actuellement un renouvellement du contrat\nsalarial. Que sortira-t-il de leurs discussions ? bien malin qui peut le\ndire. On sait que le gouvernement, qui vient d\u2019accorder aux entreprises des\navantages significatifs sous forme de cr\xe9dit d\u2019imp\xf4ts, exerce une pression\nforte pour que les organisations patronales trouvent un terrain d\u2019entente avec\nles syndicats ouvriers. Les n\xe9gociations promettent d\u2019\xeatre difficiles et on ne\npeut exclure une intervention de l\u2019Etat qui, faute d\u2019accord des partenaires\nsociaux, l\xe9gif\xe8re, au grand dam, d\u2019ailleurs, des patrons eux-m\xeames qui seront\nles premiers \xe0 se plaindre de ce que les d\xe9put\xe9s et s\xe9nateurs auront multipli\xe9\nles amendements qui leur d\xe9plaisent.\n\n
\n\nCette\nsituation n\u2019est pas nouvelle. On pourrait m\xeame dire qu\u2019ele est end\xe9mique et\nqu\u2019elle explique, d\u2019une certaine mani\xe8re, la prolif\xe9ration de notre droit\nsocial et de toutes ces r\xe9glementations dont les employeurs se plaignent si\nfr\xe9quemment. Pour dire les choses simplement, l\u2019hypertrophie de notre droit\nsocial est, pour beaucoup, le fruit de la faiblesse du dialogue social dans\nnotre pays. Plut\xf4t que de s\u2019en plaindre, les organisations patronales devraient\ns\u2019interroger sur les causes de ce d\xe9ficit, mais cela leur est naturellement\ndifficile alors m\xeame que beaucoup de leurs membres ont d\xe9velopp\xe9 une v\xe9ritable\nphobie des syndicats.\n\n
\n\nLe cas du salaire minimum\n\nLe cas du salaire minimum est exemplaire de la mani\xe8re dont\nle d\xe9ficit de dialogue social favorise l\u2019effervescence r\xe9glementaire. Dans un\narticle publi\xe9 il y a quelques mois, Philippe Aghion, un \xe9conomiste qui\nenseigne \xe0 Harvard et a conseill\xe9 S\xe9gol\xe8ne Royal et Fran\xe7ois Hollande, a montr\xe9\nque les pays dans lesquels les relations sociales sont vivantes, ceux dans\nlesquels les organisations syndicales sont puissantes et en mesure de n\xe9gocier,\nsont aussi ceux dans lesquels les l\xe9gislations sur le salaire minimum sont le\nplus rares (Can policy interact with\nculture ? Minimum wage and the quality of labor relations). Il y a,\npour dire les choses de mani\xe8re plus savante, une forte corr\xe9lation n\xe9gative\nentre les effectifs des organisations syndicales et les lois sur le salaire\nminimum. Les pays nordiques qui ont des syndicats puissants font sans. A\nl\u2019inverse, la France ou la Gr\xe8ce, deux pays dans lesquels les syndicats sont\ntr\xe8s faibles ont une l\xe9gislation rigoureuse sur le sujet.\n\n
\n\nOn comprend bien pourquoi : l\xe0 o\xf9 les syndicats ne\npeuvent rien obtenir par la n\xe9gociation parce que trop faibles, l\u2019Etat se\nsubstitue \xe0 eux. Mais, et c\u2019est ce qui se produit en France depuis des\nd\xe9cennies, plus l\u2019Etat intervient, plus les syndicats s\u2019en trouvent\naffaiblis : pourquoi se syndiquer si l\u2019Etat intervient, si l\u2019on peut\nobtenir le m\xeame r\xe9sultat en votant une fois tous les quatre ou cinq ans ?\nl\u2019intervention de l\u2019Etat pour compenser la faiblesse syndicale ne fait que\nl\u2019aggraver. \n\n
\n\nCette situation se complique de ce que plus les syndicats\nsont faibles plus leurs membres, leurs militants se sp\xe9cialisent dans la\ngestion des organismes paritaires au d\xe9pens de l\u2019action sur le terrain aupr\xe8s\ndes salari\xe9s. Ce qui conduit, dans le cas fran\xe7ais, \xe0 une sorte de blocage de\nnos institutions dont on vient d\u2019avoir une belle illustration. \n\n
\n\nOn le sait, le gouvernement a choisi de r\xe9duire de mani\xe8re\nsignificative le co\xfbt du travail. S\u2019il l\u2019a fait en choisissant un cr\xe9dit\nd\u2019imp\xf4t plut\xf4t que le transfert des cotisations patronales vers la CSG ou la\nTVA, c\u2019est que cela aurait conduit \xe0 un casus belli avec les organisations\nsyndicales qui risquaient de perdre une multitude de postes dans les organismes\ngestionnaires, comme, par exemple, les caisses d\u2019allocations familiales. Rien\nn\u2019aurait justifi\xe9, une fois qu\u2019elles auraient \xe9t\xe9 financ\xe9es par l\u2019imp\xf4t que\nsi\xe8gent \xe0 leur conseil d\u2019administration des repr\xe9sentants des organisations\nsyndicales ouvri\xe8res et patronales. Ce sont 1632 administrateurs, 16 par\ncaisses et il y en a 102 caisses, qui auraient pu \xe0 terme perdre leur poste. On\ncomprend que le gouvernement se soit m\xe9fi\xe9.\n\n
\n\nOn a l\xe0, donc, une machine infernale. La faiblesse syndicale\nse nourrit d\u2019elle-m\xeame pour le plus grand tort des salari\xe9s mais aussi de\nl\u2019\xe9conomie, de sa comp\xe9titivit\xe9. Oui, de la comp\xe9titivit\xe9, car l\u2019on a d\xe9couvert\nque les syndicats n\u2019\xe9taient pas, comme le croient trop volontiers les lib\xe9raux\net les organisations patronales, un frein \xe0 la productivit\xe9. Bien au contraire,\nde bonnes relations sociales l\u2019am\xe9liorent. C\u2019est ce qui ressort en tout cas des\ntravaux r\xe9cents de Gilbert Cette, sur des donn\xe9es fran\xe7aises, et de quelques\nautres sur des donn\xe9es am\xe9ricaines et allemandes (Labour\nrelations quality and productivity: an empirical analysis on french firms.)\n\n
\n\nDes syndicats puissants am\xe9liorent la qualit\xe9 de\nl\u2019information des entreprises \n\nIl ne s\u2019agit \xe9videmment pas d\u2019\xeatre na\xeff et de penser qu\u2019il\nsuffirait de syndicats puissants pour am\xe9liorer la comp\xe9titivit\xe9 d\u2019une\nindustrie. On a, bien \xe9videmment, de nombreux exemples du contraire. Mais\nvoyons ce qui se passe lorsqu\u2019un syndicat s\u2019\xe9tiole dans une entreprise. D\u2019un\ncot\xe9, et ce peut \xeatre le bon cot\xe9 pour les employeurs, les conflits sociaux\ns\u2019espacent, les jours d\u2019arr\xeat pour faits de gr\xe8ve diminuent, les r\xe9unions du\ncomit\xe9 d\u2019entreprise se passent mieux, les tensions apparentes disparaissent.\nMais de l\u2019autre, l\u2019entreprise perd une source d\u2019information importante sur les\nprobl\xe8mes qui peuvent surgir en son sein. Les syndicats, lorsqu\u2019ils sont\npuissants, lorsqu\u2019ils ont des contacts r\xe9guliers avec les directions font\ncirculer des informations qui sont autrement bloqu\xe9es par la structure\nhi\xe9rarchique. \n\n
\n\nTout cela peut para\xeetre th\xe9orique, mais ne l\u2019est pas. Je\nprendrai un exemple banal mais que j\u2019ai v\xe9cu dans un \xe9tablissement du groupe\nAlcatel il y a quelques ann\xe9es. C\u2019\xe9tait une usine dans la r\xe9gion parisienne\nconstruite \xe0 l\u2019ancienne avec une toiture en shed, en dents de scie avec de\ngrandes surfaces vitr\xe9es. L\u2019une de celles-ci \xe9tait cass\xe9e. En hiver, les\nouvriers qui travaillaient en dessous avaient froid, recevaient de la pluie\nlorsqu\u2019il en tombait, refusaient donc d\u2019occuper les postes expos\xe9s, d\u2019o\xf9 des\nconflits quotidiens avec les chefs d\u2019\xe9quipe. Le contrema\xeetre de l\u2019atelier le\nsavait et protestait r\xe9guli\xe8rement, mais il \xe9tait incapable de se faire\nentendre de la direction de l\u2019usine, le responsable de l\u2019entretien qui avait un\nbudget \xe9triqu\xe9 avait toujours affaire plus importante \xe0 traiter. Lorsque les\nouvriers se sont plaints au syndicat, celui-ci a imm\xe9diatement fait remonter\ncette affaire au sommet en indiquant que si rien n\u2019\xe9tait fait l\u2019atelier se\nmettrait en gr\xe8ve. Dans les jours qui ont suivi la d\xe9cision a \xe9t\xe9 prise de\nr\xe9parer le toit d\xe9faillant. Les tensions dans l\u2019atelier ont disparu et sa\nproduction s\u2019est am\xe9lior\xe9e.\n\n
\n\nCe n\u2019est qu\u2019un exemple mais on pourrait en trouver mille\ndans le quotidien des entreprises. \n\n
\n\nAutre dimension souvent n\xe9glig\xe9e de l\u2019action syndicale\n: la gestion des tensions et des conflits. Est-ce parce qu\u2019on en entend surtout\nparler \xe0 l\u2019occasion de conflits graves qui conduisent \xe0 la gr\xe8ve, on a en\ng\xe9n\xe9ral le sentiment que les syndicats mettent syst\xe9matiquement de l\u2019huile sur\nle feu. Leur r\xf4le est en r\xe9alit\xe9 bien plus subtil. Ils arbitrent entre tous les\nmotifs de m\xe9contentement qui remontent jusqu\u2019\xe0 eux. Ils font le tri dans les\nconflits et ceci, en fonction des rapports de force avec la direction. Ils font\navancer les dossiers qui leur paraissent suscceptibles d\u2019aboutir ou de\nrecueillir un fort assentiment des salari\xe9s. Ils calment le jeu pour tout le\nreste.\n\n
\n\nPuissants, ils mettent en avant les conflits qui concernent\nun grand nombre de personne, qui leur permettent de mobiliser beaucoup de\nsalari\xe9s pour atteindre un objectif gr\xe2ce \xe0 l\u2019action au sein de l\u2019entreprise,\ntracts, prises de parole, manifestation, arr\xeats de travail\u2026 Lorsqu\u2019ils sont\nfaibles et qu\u2019ils n\u2019arrivent pas \xe0 mobiliser sur des probl\xe8mes collectifs,\ncomme cette vitre bris\xe9e dont je parlasi \xe0 l\u2019instant, ils mettent l\u2019accent sur\nles conflits individuels qui se traitent \xe0 l\u2019ext\xe9rieur de l\u2019entreprise, devant\nle juge. La mont\xe9e en puissance des affaires li\xe9es au harc\xe8lement moral est\ndirectement corr\xe9l\xe9e \xe0 la faiblesse de l\u2019action syndicale. C\u2019en est un\nsubtitut. Moins les syndicats peuvent agir au sein m\xeame de l\u2019entreprise avec\nles moyens traditionnels de la lutte ouvri\xe8re, plus ils s\u2019adressent \xe0 la\njustice.\n\nOr, ce n\u2019est une bonne chose pour personne. Ce n\u2019en est pas\nune pour la victime qui se retrouve isol\xe9e dans son combat et souvent rejet\xe9e\npar ses coll\xe8gues. Le plus douloureux dans les cas de harc\xe8lement, c\u2019est\nsouvent l\u2019indiff\xe9rence ou l\u2019hostilit\xe9 des coll\xe8gues, or ceux-ci sont tr\xe8s\nprompts \xe0 trouver que la victime exag\xe8re, qu\u2019elle en fait trop. Ce n\u2019en est pas\nune non plus pour celui que l\u2019on accuse, \xe0 tort ou \xe0 raison, de\nharc\xe8lement : bien loin de l\u2019image d\u2019Epinal de l\u2019employeur occup\xe9 \xe0\nd\xe9fendre becs et ongles les cadres accus\xe9s, la r\xe9alit\xe9 est qu\u2019ils sont, le plus\nsouvent, \xe0 leur tour ostracis\xe9s, condamn\xe9s par leurs pairs et mal vus de leur\ndirection qui se serait pass\xe9e de ce genre d\u2019affaire. Il faut avoir vu un cadre\naccus\xe9 de harc\xe8lement pour comprendre combien cela peut \xeatre douloureux, m\xeame\ns\u2019il est effectivement coupable. \n\n
\n\nJ\u2019ajouterai enfin que si les faits qui ont conduit \xe0 cette\naccusation de harc\xe8lement sont li\xe9s \xe0 la structure, \xe0 l\u2019organisation de\nl\u2019entreprise, \xe0 sa culture, \xe0 la charge de travail\u2026 ce ne peut pas \xeatre trait\xe9\nau tribunal qui ne juge que des cas singuliers.\n\n
\n\nLa qualit\xe9 des relations sociales am\xe9liore les performances\n\nDes organisations syndicales puissantes, qui r\xe9unissent de\nnombreux salari\xe9s, sont donc utiles dans plusieurs cas de figure :
\n
\n
\n

    \n
  • elles \xe9vitent d\u2019abord, l\u2019intervention de l\u2019Etat,\nce qui peut \xeatre une bonne chose si cela permet de trouver des solutions mieux\nadapt\xe9es. L\xe0 o\xf9 le salaire minimum est non pas impos\xe9 par la loi mais n\xe9goci\xe9\navec les organisations syndicales il varie selon les secteurs et selon les\nr\xe9gions. Ce qui n\u2019est pas illogique. Le pouvoir d\u2019achat d\u2019un salaire n\u2019est pas\nle m\xeame dans une grande ville et dans une zone rurale, les contraintes de la\ndistribution ne sont pas celles du b\xe2timent ou de la m\xe9tallurgie, 
  • \n
  • elles permettent ensuite d\u2019anticiper les\nprobl\xe8mes. Lorsqu\u2019une entreprise va mal, des organisations syndicales bien\ninform\xe9es le savent et peuvent inciter les directions \xe0 prendre des mesures qui\n\xe9vitent que les difficult\xe9s se traduisent par des lienciements. On parle\nbeaucoup de l\u2019efficacit\xe9 du temps partiel pour r\xe9sister aux difficult\xe9s en\nAllemagne. Mais il n\u2019a \xe9t\xe9 efficace que parce qu\u2019il a \xe9t\xe9 tr\xe8s t\xf4t n\xe9goci\xe9 avec\nles partenaires sociaux  
  • \n
  • elles am\xe9liorent, enfin, la qualit\xe9 des\nd\xe9cisions puisqu\u2019elles permettent d\u2019int\xe9grer dans la r\xe9flexion des donn\xe9es qui\nautrement \xe9chappent aux directions.
  • \n
\n
\nMais il ne suffit pas que les organisations syndicales\nsoient puissantes, il faut encore qu\u2019elles soient \xe9cout\xe9es et convaincues de la\npertinence des d\xe9cisions prises par le management. Ce qui suppose des\ninstitutions ad\xe9quates. On parle souvent de la pr\xe9sence de repr\xe9sentants\nsyndicaux dans les conseils d\u2019administration des entreprises allemandes. C\u2019est\neffectivement une bonne solution en ce qu\u2019elle permet de nourrir en permanence\nla n\xe9gociation sociale, de faire circuler l\u2019information de bas en haut et de\nhaut en bas. En ce qu\u2019elle permet \xe9galement aux directions de faire valoir leur\npoint de vue, de l\u2019argumenter et non plus seulement de l\u2019imposer comme si elles\navaient la science infuse et toujours raison. Un des facteurs qui expliquent le\nd\xe9senchantement de beaucoup de salari\xe9s, d\xe9senchantement que les enqu\xeates\nmen\xe9es au sein des entreprises r\xe9v\xe8lent r\xe9guli\xe8rement vient de ce que les\nd\xe9cisions qui tombent du ciel leur paraissent souvent contradictoires,\nincompr\xe9hensibles. \xab On ne sait o\xf9 l\u2019on va \xbb est l\u2019une des\nexpressions les plus souvent entendues dans les entreprises. Et pour\ncause : les directions se contentent d\u2019imposer leurs vues sans chercher \xe0\njustifier les changements de cap, de strat\xe9gie, d\u2019orientation. C\u2019est comme cela\net pas autrement. Inutile de dire que cette libert\xe9 qui leur est laiss\xe9e d\u2019agir\ncomme ils l\u2019entendent n\u2019est pas toujours du meilleur effet. L\xe0 o\xf9 ils\nexistent, les contr\xf4les, ceux du conseil d\u2019administration d\u2019un cot\xe9, ceux des\norganisations syndicales de l\u2019autre contribuent \xe0 l\u2019am\xe9lioration de la qualit\xe9\ndes d\xe9cisions.
\n
\n\n\n\nPourquoi si peu de syndicalistes en France ?\n\nOn peut imaginer que dans les mois qui viennent le\ngouvernement ou le Parlement vont proposer des mesures allant dans ce sens.\nReste \xe0 savoir si elles permettront d\u2019enrayer la chute des effectifs syndicaux\net d\u2019am\xe9liorer le dialogue social.
\n
\n\nModifier les institutions qui organisent le dialogue social\npeut aider \xe0 atteindre ces objectifs, mais est-ce que ce serait\nsuffisant ? pour que le dialogue social reprenne tournure, il faudrait agir\nsur les causes profondes de l\u2019affaissement des organisations syndicales. Elles\nsont multiples.
\n
\n\nIl y a, ces dispositifs institutionnels qui entretiennent\ndepuis des d\xe9cennies la division syndicale, freinent voire interdisent\nl\u2019\xe9mergence de nouveaux acteurs et favorisent la concentration des forces\nsyndicales dans le secteur public, mais cela tient aussi \xe0 des ph\xe9nom\xe8nes plus\nlourds sur lesquels il est plus difficile d\u2019agir. J\u2019ai d\xe9j\xe0 dit un mot du r\xf4le\nde l\u2019Etat qui en jouant de la loi faute d\u2019accords n\xe9goci\xe9s entre partenaires\nsociaux, g\xeane le d\xe9veloppement des organsiations syndicales. Mais il n\u2019y a pas\nque cela.  \n\nIl y a l\u2019\xe9volution de l\u2019\xe9conomie fran\xe7aise. Les secteurs\nfortement syndicalis\xe9s dans l\u2019industrie ont disparu. Les syndicats n\u2019ont pas su\ns\u2019imposer dans les secteurs nouveaux, la grande disribution, la restauration\nrapide, l\u2019int\xe9rim\u2026 cela tient \xe9videmment aux contrats de travail privil\xe9gi\xe9s dans\nces \xe9tablissements mais aussi, peut-\xeatre, au manque d\u2019imagination des\norganisations syndicales qui, plut\xf4t que de chercher des solutions nouvelles\nont pr\xe9f\xe9r\xe9 concentrer leurs efforts sur le secteur public.
\n
\n\nIl y a, aussi, la structure de l\u2019\xe9conomie fran\xe7aise, son\ncot\xe9 dual, avec d\u2019un cot\xe9 quelques tr\xe8s grandes entreprises internationales et\nde l\u2019autre beaucoup de petites entreprises. La pr\xe9sence d\u2019organisations\nsyndicales dans les grandes entreprises ne pose gu\xe8re de probl\xe8me. Elles ont\nles moyens d\u2019employer des sp\xe9cialistes en ressources humaines, rompus aux\ntechniques du dialogue social, qui savent n\xe9gocier. M\xeame si leurs directions\nn\u2019appr\xe9cient gu\xe8re les syndicats, il leur est difficile de leur interdire\nd\u2019agir et de travailler. Il en va tout autrement dans les entreprises plus\npetites. La n\xe9gociation sociale est une charge suppl\xe9mentaire pour les chefs d\u2019entreprise\nqui peuvent difficilement la d\xe9l\xe9guer \xe0 des collaborateurs qui ne sont pas\nmieux form\xe9s qu\u2019eux \xe0 cet exercice. Et ce qui vaut pour les chefs d\u2019entreprise\nvaut \xe9galement pour les salari\xe9s : m\xeame avec la meilleure volont\xe9 du monde\non ne s\u2019improvise pas leader syndical ou n\xe9gociateur. Cela demande des\ncomp\xe9tences, notamment en mati\xe8re de droit du travail, qui manquent \xe0 la\nplupart.
\n
\n\nLa proximit\xe9 avec les salari\xe9s rend, par ailleurs, beaucoup\nplus probl\xe9matique tout conflit un peu tendu. M\xeame prot\xe9g\xe9, le salari\xe9 peut\ncraindre des r\xe9torsions et l\u2019employeur s\u2019offusquer de ce que ses d\xe9cisions sont\nmises en cause. Si le syndicalisme est si faible en France, c\u2019est que beaucoup\nde patrons, surtout dans les PME qui repr\xe9sentent l\u2019essentiel de l\u2019emploi, s\u2019y\nopposent avec la plus grande vigueur. Ils sont patrons chez eux et veulent le\nrester et n\u2019acceptent pas de partager si peu que ce soit leur pouvoir.
\n
\n\nLa comp\xe9titivit\xe9 est aussi affaire de dialogue social\n\nOn l\u2019a compris, la comp\xe9titivit\xe9 ne saurait se limiter \xe0 une\naction sur le co\xfbt du travail. C\u2019est aussi l\u2019affaire de l\u2019innovation et, plus\ninattendu, peut-\xeatre, de la qualit\xe9 du dialogue social. L\xe0-dessus les\nentreprises fran\xe7aises ont de gros progr\xe8s \xe0 r\xe9aliser et les pouvoirs publics\nde gros efforts \xe0 faire en mati\xe8re d\u2019imagination pour trouver le moyen de\ncontourner ces obstacles que sont l\u2019environnement institutionnel et la\nstructure de l\u2019\xe9conomie fran\xe7aise. Cela ne se fera sans doute pas d\u2019un seul\ncoup de baguette magique. La Pr\xe9sidence Sarkozy avait pris quelques mesures\nallant dans la bonne direction avec notamment la loi Larcher de 2007 qui impose\nune concertation pr\xe9alable, voire une n\xe9gociation, avant tout projet de loi\nsocial, avant de revenir en arri\xe8re. La Pr\xe9sidence Hollande devrait poursuivre\ndans cette direction.\n\n
\n