Reportage international - Malaisie: livreurs de repas ou chauffeurs VTC pour survivre pendant la crise sanitaire

Published: Feb. 14, 2021, 11:05 p.m.

En Malaisie, la crise du coronavirus a fait naître des nouveaux précaires. Des jeunes diplômés ou des chômeurs qui se tournent vers un nouveau métier pour ne pas sombrer dans la pauvreté : livreur de repas ou VTC, employés pour des sociétés comme le géant Grab ou ses concurrents. Ils sillonnent les rues vides de Kuala Lumpur en quête de nouvelles commandes, les yeux rivés sur l’application qui les met en relation avec les clients, avec souvent la faim au ventre.  C’est une situation pour le moins paradoxale : alors qu’une partie de la Malaisie confinée se fait commander des repas sur internet, une autre les livre, l’estomac souvent vide. Une femme a décidé de leur donner à manger. « lls n’ont pas le temps de manger car ils sont toujours aux aguets à chercher une nouvelle commande. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’ils sont payés moins de un euro la course. Car ils veulent aussi pouvoir mettre de côté le plus d’argent possible car à Kuala Lumpur, vivre avec moins de 400 ou 600 euros, c’est être pauvre. » Et depuis qu’Ida Azerin Razali se poste chaque midi sur le bord de la route avec un panneau où il est écrit « NOURRITURE GRATUITE », elle a vu défiler une grande diversité de profils, et de nouveaux chômeurs. « J’ai vu des anciens pilotes, des anciens ingénieurs, j’ai vu aussi une mère célibataire, le premier jour, elle avait son enfant avec elle sur sa moto. » Il ne faut en général à Ida pas plus d’une heure pour distribuer la centaine de panier repas préparés. « Aujourd’hui on a du poulet frit épicé avec du riz. C’est ma sœur qui a tout préparé, c’est du fait maison ! » Parmi ces livreurs de repas en deux roues qui s’arrêtent rapidement entre deux courses, il y a Katy 20 ans et tout juste diplômée. « Avec le Covid, c’est devenu très difficile de trouver un travail car on embauche surtout dans des domaines comme le marketing et moi je suis diplômée en logistique. Et puis j’ai qu’une licence, pas un master. » Mais même ceux qui ont obtenu un Master se retrouvent à travailler pour Grab en attendant des jours meilleurs. Abu est lui taxi pour cette société, une profession à qui Ida donne aussi des paniers repas. Il faut monter dans son véhicule pour pouvoir lui parler. « J’ai commencé à travailler pour Grab en parallèle de mes études car je devais gagner un peu d'argent pour subvenir à mes besoins, m’acheter à manger tous les jours et maintenant je continue à être un chauffeur Grab mais à plein temps. » Il travaille aujourd’hui 12 heures par jour pour parfois seulement 8 euros, car de nombreux autres taxis sillonnent les rues désertes de Kuala Lumpur à la recherche des rares clients qui mettent le nez dehors. « Si je dois aller au siège de Grab, j’abandonne car devant le bâtiment il y a une queue très longue de gens qui veulent s’enregistrer pour devenir livreur ou chauffeur, donc je sais que je devrais attendre longtemps avant d’arriver à la réception. » Mais si les aspirants chauffeurs attendent, Abu aussi. « L’après-midi, je dois attendre entre une et deux heures en moyenne pour trouver une nouvelle course. » Et que fais-vous pendant ce temps ? « Eh bien je lis des livres d’économies. » Des lectures qui alimentent le rêve de ce diplômé en finance d’être un jour un entrepreneur. En attendant la fin de la pandémie, le jeune homme de 24 ans s’estime chanceux, quand certains chauffeurs aimeraient que le pourcentage pris par leur société soit réduit, lui estime qu’il ne faut pas trop en demander.