Michèle Cotta / «Le Paris de Mitterrand » / Paru aux éditions Alexandrines

Published: June 4, 2019, midnight

Lire la politique, présenté par Luce Perrot qui reçoit Michèle Cotta pour son livre « Le Paris de Mitterrand » paru aux éditions Alexandrines


À propos du livre : "Le Paris de Mitterrand"

aux éditions Alexandrines

Au cours de ces premières années passées à Paris, exception faite des vacances où il retrouve sa famille, François Mitterrand, on s’en doute, a beaucoup changé : son univers s’est élargi. La vieille carriole de Jarnac n’est jamais loin, mais il n’est plus l’enfant découvrant les limites des prairies et des forêts qui l’entourent. Les amitiés qu’il a nouées au 104, rue de Vaugirard, sont solides, elles marqueront sa vie. Il a rencontré François Mauriac, certes, mais aussi Stravinsky et Honegger, dans un des salons, littéraires ou artistiques qu’il s’est mis, comme les autres élèves de l’Ecole des Sciences politiques, à fréquenter assidûment. Devenu décidément mondain, il est même invité, le 23 février 1938 au bal de l’élysée. C’est la première fois de sa vie qu’il franchit le seuil du 55, faubourg Saint-Honoré. Les photographies de ces années-là révèlent un Mitterrand au beau visage un peu sombre, aux arêtes vives, des yeux noirs dont l’éclat, parfois, surprend, déroute son interlocuteur. Il a rasé la moustache qu’il portait pendant les années de résistance, ce qui le faisait, selon ses amis d’alors, ressembler à un danseur de tango. Il sourit peu, reste timide dans le monde, même si, au Parlement, ses talents d’orateur s’imposent déjà. Il porte beau : une photographie de lui, qui date du 19 avril 1956, le montre en habit et haut de forme, comme une sorte de gravure de mode masculine, digne du journal féminin «  Votre beauté », dont il a été un temps, quelques mois après la Libération, le directeur. Qu’il soit simple député, ministre ou Président de la République, François Mitterrand n’a jamais habité à Paris ailleurs que chez lui. Sous la IVeRépublique, il s’est toujours refusé à abandonner son domicile pour occuper les palais ministériels. à l’exception de quelques semaines où, malade, il résida à l’hôtel de la place Beauvau, siège du ministère de l’Intérieur en 1954, et des derniers moments passés à l’élysée en 1995, il a opté, comme toujours, pour la liberté. Celle de quitter, quand il voulait, et comme il voulait, à pied ou en voiture, son bureau, au Parti socialiste, dans les ministères, ou finalement à l’élysée, pour retrouver une atmosphère plus intime, avec sa famille – ses familles – et ses proches : tel était le prix de sa liberté, même si, au passage, François Mitterrand a toujours posé beaucoup de problèmes à ses services de sécurité. Mitterrand a toujours eu le sens et la volonté du secret. Longtemps, il a compartimenté, mis dans des casiers différents, ses amis, comme s’il voulait éviter que quelqu’un en sache trop sur lui, comme si sa crainte était de se voir percé à nu. Sans doute ce goût du secret est-il encore plus profond : il tient à la personnalité même de François Mitterrand, pétrie de contradictions, romantique à qui l’on a beaucoup reproché son machiavélisme, jeune homme d’abord pressé puis, l’âge venant, décidant de donner son « temps au temps ». « J’aime écrire, écrit-il. Je pense que si je n’avais pas été absorbé par ma vie politique, j’aurais aimé consacrer une partie de ma vie à construire une œuvre littéraire. En avais-je le talent ? En tout cas j’en avais le goût… Comment écrire ? Il faut l’unité de l’esprit. Le téléphone qui vous déchire l’oreille, la visite impromptue… L’homme politique toujours arraché à lui-même a de la peine à devenir écrivain…»