07 - Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie - VIDEO

Published: Feb. 20, 2018, 5:29 p.m.

Patrice Boucheron Collège de France Année 2017-2018 Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie Les fake news sont de fausses nouvelles : premier bilan d’étape La circulation des fictions transmédiatiques et la novellisation (Matthieu Letourneux, Fictions à la chaine. Littératures sérielles et culture médiatique, 2017) Ceux qui gagnent (The West Wing), ceux qui perdent (The Wire) : en quoi la fiction politique est-elle politique ? La Novellisation, « genre contaminée » (Jan Baetens, Poétique, 2004) : produits dérivés, auctorialité dégradée Novella, jeune pousse et avvenimenti : l’événement est ce qui advient à ce qui est advenu (Pierre Laborie) La fiction politique éclaire l’actualité, c’est-à-dire ce que nous sommes en train de devenir « Que porai-je de nouvel dire ? » (Froissart, Froissart Le Joli Buisson de Jonece) : la tristesse du déjà-dit (Jacqueline Cerquiglini-Toulet, La couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIVe siècle, 1991) Nouvelle, cri, rumeur et clameur : quand le jeune plant renouvelle le champ de la littérature (Nelly Labère, Défricher le jeune plant. Étude du genre de la nouvelle au Moyen Âge, 2006) Quatre impératifs pour la nouvelle : vérité, exemplarité, oralité, actualité Réactualiser la fraiche mémoire, dévoiler l’obscène Des Cent Nouvelles Nouvelles bourguignonnes (1462) à l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (1545), ou comment désenchanter le grand récit de la Renaissance française Ce qui fait le genre : migrations textuelles (Roger Chartier) et architextualité (Gérard Genette), le cas des Mystères urbains Qu’est-ce qu’une chute ? La production du novus Boccace et les formes médiévales de la brevitas : Cento novelle, o favole o parabole o istorie che dire le vogliamo « Ce sont donc les hommes de condition moyenne (di mezzano stato) qui seront notre objet » (Francesco Bonciani, Leçon sur la composition des nouvelles, 1574) Le motto comme facétie ascendante, la beffa comme farce condescendante Le fourreur Ganfo dans la nouvelle de Sercambi, ou la fragilité ontologique des faibles : Va via, tu se’ morto Le survivant au pouvoir : la novellisation des dominants comme une altération qui n’affaiblit pas Une ascension sociale contrariée, puis châtiée : le cas de Giovanni Gherardi da Prato, novelliere novellisé Le passé sédimenté du Paradis des Alberti : 1425, 1389, 1350, 1258 « Aujourd’hui, ces seigneurs sont devenus des tyrans cruels » (Décaméron, X, 7) « Il n’est pas utile de raconter ce qu’il en fut de la venimeuse et pestifère rage qui dressa les Guelfes contre les Gibelins dans les temps passés, puisque, de nos jours encore, on peut voir, à travers toute l’Italie, les traces et les vestiges… » (Giovanni Gherardi da Prato, Le Paradis des Alberti) L’acquettino, ou l’insurrection poétique contre l’humanisme civique (Antonio Lanza, Polemiche e berte letterarie nella Firenze del primo Quattrocento, 1971) « Car ça commence toujours avant… » : le Novellino, ou Libro di novelle e di bel parlar gentile La profondeur du temps passé, l’horizon rêvé du bon gouvernement Potente imperadore Federigo : deux Frédéric, un seul spectre impérial « Dire combien il fut craint serait une grande affaire : bien des gens le savent » (Novellino, 84), Ezzelino da Romano, ou les origines sanglantes et grotesques de la tyrannie « Messire Ezzelino avait à son service un conteur auquel il faisait conter des histoires pendant des longues nuits d’hiver » (Novellino, 31) Walter Benjamin, « Le conteur » (1936), et la chute du cours de l’expérience : chaque information n’a de valeur « qu’à l’instant où elle est nouvelle » mais il n’en est pas de même du récit, « il ne se livre pas » Une lecture poétique et politique de Dante, Ossip Mandelstam et le chant 33 de l’Enfer, « …une de ces délicieuses horreurs qu’on se marmonne avec contentement… » Les deux agonies d’Ugolin, ou l’indétermination du politique : « dans les ténèbres de la tour de la Faim, Ugolin dévore ou ne dévore pas tous ses cadavres aimés, et cette oscillante imprécision, cette incertitude, est l’étrange matière dont il est fait. Ainsi l’a rêvé Dante, avec deux agonies possibles, et ainsi le rêveront des générations à venir » (Borgès, Neuf essais sur Dante) Machiavel, lui aussi, face à l’indétermination des temps : frapper les esprits par quelques « rares exemples de lui-même, semblables à ceux que l’on raconte à propos de messire Bernabò de Milan » (Le Prince, 21).