04 - Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie

Published: Jan. 30, 2018, 11:41 a.m.

Patrice Boucheron Collège de France Année 2017-2018 Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Fictions politiques (2) : nouvelles de la tyrannie « Malheureusement, les hommes généreux pour lesquels ces choses avaient été écrites en de meilleurs temps avaient désormais abandonné les arts libéraux aux plébéiens » (lettre du pseudo-Ilario à Uguccione della Faggiola) L’expérience seigneuriale : régularités structurelles, grammaire politique, contextes locaux À Pise : une histoire discontinue et graduelle Le Zibaldone Laurenziano et la « leggenda dantesca del Boccacio », (Giuseppe Billanovitch) Boccace et le Trattatello in laude di Dante : aimer dans la Comédie « la richesse du texte en artifices, la multitude des histoires, la sublimité des sens cachés sous le voile poétique » La légende de la triple dédicace (l’Enfer à Uguccione della Faggiola, le Purgatoire à Moroello Malaspina, le Paradis à Frédéric II) : les raisons politiques d’une fiction littéraire Le bivium : Albertino Mussato et Dante en 1311 et en 1316 Cangrande della Scala d’après Giovanni Villani : questi fu il maggior tiranno e ‘ll più possente e ricco che fosse in Lombardia da Azzolino da Romano infino allora (X, 138), valente tiranno e signore da bene […] e amico del nostro Comune (X, 95) Coup de force poétique, transgression politique et privilegium : « En effet, ceux qui puisent leurs forces dans l’intellect et dans la raison et qui ont reçu le don divin de la liberté ne sont assujettis à aucun usage ; et il ne faut pas s’en étonner, car ils ne sont pas inspirés par les lois, mais ce sont eux qui inspirent les lois » (Dante, Épître à Cangrande dalla Scala) « Tandis que je lisais ces phrases, j’ai cru entendre la voix de Boccaccio qui murmurait à mon oreille : “Ser Ciappelletto, c’est moi” » (Carlo Ginzburg, « L’épître à Cangrande et ses deux auteurs », Po&sie, 2008) Vie et mœurs de François Pétrarque, florentin : histoires d’admiration et de rivalité (1343-1353) Pétrarque à Milan, Auri sacra fames (Enéide, III, 57) Lettre de Pétrarque à Boccace (Familiares, XXI, 15 : mai 1359) « Ils mentent donc ceux qui disent que je cherche à diminuer sa renommée » Un moment de vérité : « Et qui enfin peut envier celui qui n’envie pas Virgile, à moins que lui envie les applaudissements et les rauques clameurs des foulons, des gargotiers et des saltimbanques (fullonum et cauponum et lanistarum) et de tous ces gens dont la louange constitue en réalité une offense, au point que je me félicite, avec Virgile lui-même et Homère, de m’en trouver privé : je sais bien ce que vaut auprès des personnes cultivées l’éloge des incultes » Pétrarque, La Vie solitaire et l’art du placement (Étienne Anheim) De la haine du peuple à la haine des intellectuels : « Ce sont eux qui promènent par toute la ville, comme un vieux bibelot à vendre, leur sottise cultivée » Les lettres à la postérité (Familiares, XXIV) comme fiction politique : « Mais quel délire t’a poussé contre Antoine ? L’amour de la République, je crois, que tu reconnaissais s’être déjà écroulée de fond en comble » (Pétrarque à Cicéron) Négocier avec ses précurseurs lointains, préfigurer la politique à venir : la curialisation de l’exercice du gouvernement au Quattrocento L’impossible portrait de groupe des auteurs de la novellistica toscane et la déstabilisation de la fonction auteur : de Gentile Sermini au pseudo-Sermini (Monica Marchi) Franco Sacchetti pendant la « Guerre des Huit Saints » (1375-1378) : Florence defensor libertatis Io scrittor : écrire, recueillir et composer le Trecentonovelle Franco Sacchetti, l’engagement civique et les frustrations d’une carrière politique : la canaille littéraire des « Rousseau du ruisseau » ? À l’inverse, Giovanni Sercambi et le buon governo de la seigneurie Vendre la mèche : engagement sartrien, déclassement social et aspiration à une aristocratie fictive (Ronan de Calan, La littérature pure. Histoire d’un déclassement, 2017).